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© Cette page peut être imprimée et reproduite pour l'étude, et pour l'enseignement gratuit. Voir les conditions du copyright 1976-2001
Dufour
 

31e Paracha : Emor
"Dis"

Vayiqra (Lévitique) 21, 1 - 24, 22

Commentaire renouvelé
par Yehoshua Ra'hamim Dufour
basé sur les livres de nos Sages
Site Modia http://www.modia.org


 Chabbate. Paracha Emor, le 19 Iyar  (12 mai 2001), 34e jour du Ômér
lecture et étude du 4e chapitre des Pirqé Avote 
Heures du Chabbate : Jérusalem  : 18 h 51.

La paracha précédente (Qédochim) disait clairement que nous aurons la terre d'Israël, lieu de la présence divine, dans la mesure où nous vivrons selon la Torah et sur cette terre.
Cette étude-ci centre davantage sur la dimension personnelle de la sainteté (qédoucha).
Elle comprend trois étapes, suivant la capacité et la volonté d'approfondir.
Imaginez vraiment que nous allons faire cette étude ensemble, pas à pas, comme je la fais,
réfléchissant, allant aux sources et références, confrontant les commentaires. 
Nous découvrirons que les prescriptions données aux Cohanim nous concernent très intimement
et que nous pouvons découvrir les voies de la sanctification juive uniquement par l'étude.


 

Plan
  • Synthèse simple de la paracha : mitsvotes et thèmes
  • Entrée dans le sens du thème
  • Avancée dans l'analyse. Etude de l'application à la période du Ômér
  • La méthode dans l'étude
  • La recherche du sens à travers Rachi
  • La recherche du sens à travers Rabbeinou Bé’hayé 
  • Premier exemple
  • Deuxième exemple : importance de la grammaire de la Torah
  • Précision par un autre taâm
  • La recherche du sens par le Chla
  • La part du créateur et notre part du travail
    La direction sûre du travail de purification

Pour comprendre la Torah, il faut connaître les téâmim 
(ici, un nouveau cours, sur les signes de ponctuation et de cantilation).

Audition de la paracha (Ort)
téâmim askénazes

Audition de la paracha (Alliance) 
téâmim séfarades

Audition de la haftara (Ort)
téâmim askénazes

Tous les poèmes sont une recherche de la parole  pure

La nouvelle page sur la famille juive

Toutes les pages sur le couple et la famille


Synthèse simple de la paracha : mitsvotes et thèmes
Après avoir lu la paracha, on découvrira cet axe-ci. 
La paracha Emor comprend les mitsvotes 263 à 325. 
Elles prennent des mesures pour organiser la pureté la plus grande chez le Cohén Gadol (Grand Prêtre) dans les différentes conditions de vie où il pourrait être en contact avec des expressions de l’imperfection (impureté, infirmités, échecs dans les relations humaines et de couple et, surtout, dans l’absence de développement du processus vital qu’est la mort).
Ce principe général est ensuite appliqué en ce qui concerne les offrandes, les sacrifices et les fêtes : Pessa’h, Ômér, Chavouôtes, Roche ha chana, Kippour, Souccote.
La pureté du Cohen concerne le fait qu'il ne se mettra pas encontact avec la mort hormis le cas de rendre les derniers devoirs aux 6 proches (père, mère, fils, fille, soeur, frère, en Vayiqra 21, 1-3). Cela est la base des rites juifs de deuils envers les proches définis par ces 6 catégories. Le Grand Prêtre sera même soustrait à ces contacts. Voir le Choul'hane Aroukh, Yoré Déâ 369-373.
Ensuite, sont définies toutes les catégories d'épouses interdites au Cohen en fonction de la manifestation la plus grande de  la vie qu'il doit manifester (prostituées, veuves, divorcées, etc en Vayiqra 21, 13-15) et celles qui lui sont permises.
Ensuite, la pureté qui doit être présente dans tous les sacrifices, tant chez les offrandes que chez les offrants, au ch. 22.
Tout cela est pour ne pas porter atteinte à Hachém mais sanctifier Son nom (Vayiqra 22, 32...).
Après l'organisation de la sainteté dans l'espace des personnes, le texte précise l'organisation de la sainteté dans le temps des personnes, par les fêtes. Lire dans cette ligne le ch. 23. Et se reporter aux liens des fêtes, ci-dessus.

Entrée dans le sens du thème
Il ne suffit pas de lire la paracha comme un texte extérieur de mathématiques ou de droit.
Elle est écrite pour nous transmettre un message d'existence et un plan divin, même dans ce qui semblerait en être des principes généraux. Il faut entrer dans l'intérieur du texte par l'intérieur de notre être.
1. Le Cohen Gadol manifeste la volonté de rénovation de l’homme. 
2. De sa sainteté, nous devons apprendre comment vivre, comme lui, pour nous rapprocher le plus de Hachém. Comme lui-même procède, nous devons tout faire pour éviter de prendre de la distance par rapport à cette sainte présence ; et cela, sur tous les plans de l’être, de la pensée, des relations et des actes.
3. Cette paracha est particulièrement intéressante sur le plan de l'étude car elle nous démontre que, si l'on peut saisir un sens global comme nous venons de le faire, la Torah nous incite à une rigoureuse analyse intellectuelle pour nous faire comprendre combien ce que la Torah demande doit saisir finement tout notre être.
4. Il va de soi que l'on ne parvient pas à faire cette analyse si précise dans la solitude car, seul, on ne peut pas avoir assez de perspicacité pour éviter nos erreurs, la lassitude, les incompréhensions, les blocages sur un point ; à deux ou en groupe, ou dans une relation d'enseignement comme ici, cette étude est possible. On voit l'intérêt de l'étude individuelle comme préparation ; mais, ensuite, il faut la mise en commun. La tradition a inventé l'échange ('hévrouta)depuis des millénaires ; mais ce ne peut être valable que s'il est préparé et guidé, par des gens qui prennent l'habitude d'étudier.
Pour comprendre la Torah, il est impossible de "surfer" rapidement.

Avancée dans l'analyse : étude de l'application à la période du Ômér
Ce contexte général prend une forme précise car les versets y parlent de l’Ômér (Vayiqra 23, 9 - 22) : "Hachém parla à Moché : parle aux enfants d'Israël et dis-leur : quand vous serez arrivés dans le pays que je vous accorde et que vous y ferez la moisson, vous apporterez un ômér (dose) des prémices de votre moisson au Cohén. Il balancera ce ômér devant Hachém... puis vous compterez, depuis le lendemain de la fête (de Pessa'h)... sept semaines Chavouôtes qui doivent être entières... soit cinquante jours, et vous offrirez une oblation nouvelle à Hachém"... Il faut aller lire tout ce passage qui se termine par ces mots : "les glanes de la moisson, abandonne-les au pauvre et à l'étranger : je suis Hachém votre Dieu".
 

Volumes dans la Torah
Equivalences
Efa 24, 8 litres
Séa 8, 3 litres
Hine 4, 1 litres
Ômér 2, 5  litres
Kav 1, 4 litre
Log 0, 3 litre
Réviîte 86 cm3
Béitsa 57 cm3
Kézayite 28 cm3

La méthode dans l'étude
Comme chaque fois, nous allons prendre appui sur les trois maîtres : Rachi, Rabbénou Bé'hayé et le Chla haqqaddoche. Sans eux, nous ne pourrions pas comprendre. Notre analyse, guidée par eux, va donc être progressive et lente.
Reprenons le texte ; nous y découvrons trois obligations :
- apporter au Temple, en plus de quelques sacrifices et offrandes, les prémices de la moisson d’orge,
- les offrir en les balançant dans les différentes directions pour symboliser que la bonté viendra de toutes parts et elle seulement, comme le suggère Rachi ;
- compter à la fois les jours et les semaines qui séparent Pessa’h de Chavouôte. Cherchons-en le sens. 

La recherche du sens à travers Rachi
Nous continuons ici de nous initier à la connaissance de la méthode de Rachi.
Il nous indique toujours des sens élevés à travers des précisions ; ainsi il dit ce qu'est le ômér : âssirite haéfa; kakh aya chéma, un volume de la mesure qui est le 10ème de la éfa (il ne précise pas sa source qui est Chémote 16, 36 ; la éfa fait 25 litres, donc le ômér fait 2 litres et demi).
Puis son insistance sur certains points nous indique une ligne de lecture dans ce que nous recherchons : le fait de devoir être purs. Ses indications concernent :
- "dans toutes vos demeures" (békhol mochevotéikhém), au verset 23, 14 ;
- le fait que les semaines "doivent être entières" (témimote tiyéna), au verset 23, 15 ;
- "ils seront consacrés" (qoddéche yiyou), au verset 23, 20 et il souligne que le niveau de l'offrande par la communauté a un plus grand degré de sainteté que celle du particulier (chalmé-tsibour chéhéne qadché qadachim) ;
- au pauvre et à l’étranger "abandonne-les" (taâzov otam), au verset 23, 22.
Maintenant que nous connaissons quelque peu la méthode de Rachi, nous pouvons essayer de nous centrer sur ses indications précises et, par réflexion, y découvrir des sens multiples et élevés. Que le lecteur réalise cet exercice de recherche du sens à partir de chacun de ces mots, avant même de lire la suite de cette étude.

Rachi attire l'attention sur chacun de ces mots : "hana'h lifnéhéim véhém yilqetou, vééine lékha lésayéâ léa'had méhém, pose devant eux et eux ramasseront, et tu n'as pas à aider spécialement l'un d'eux". Qui cherche en ces mots, y trouvera les règles de conduite intérieure et extérieure pour atteindre à cette pureté de l'être dont parle la paracha. Egalement des principes éducatifs importants.

La recherche du sens à travers Rabbénou Bé’hayé
Nous connaissons également bien sa méthode : elle consiste à voir d'abord ce qu'en dit le Roi Chélomo, Salomon, dans les Proverbes (Michlé) et les règles de comportement, ensuite bien situer le sens précis comme Rachi, puis y ajouter explicitement les autres sens plus élevés (symbolique, logique), et le plus intérieur (le sod).

Premier exemple
Donc, Rabbénou Bé’hayé insiste également sur cette approche que j'essaie de faire percevoir et qui va du précis à l’intériorité et jusqu’aux niveaux élevés : quand le verset 23, 15 dit ousefartém lakhém(et comptez pour vous), cela indique une prescription qui concerne chaque membre individuellement, comme au verset 40 quand il est dit "vous prendrez" le loulav (ouleqa’htém lakhém) : c’est une tâche concernant "chacun", afin que lui compte, examine, juge, et se souvienne, comme l’explique le traité Mena’hote 65 b. 
Cela concerne tout un chacun (lékhol é’had véé’had). Les commentaires insistent pour donner le sens de l’importance de ce travail intérieur individuel.
Et l’essentiel de la mitsva, dit Rabbénou Bé’hayé, c’est de commencer à compter tout-de-suite et de ne plus s’arrêter en apportant à Hachém ; l’important, c’est d’apporter de l'intérieur de soi l’offrande, et de le faire en réalité, plus que la matérialité du sacrifice ; le sacrifice n’est là que pour l’offrande : hiné hamména'hote îqar hammitsva ; lo îqar haqqorbanote.

Deuxième exemple : importance de la grammaire de la Torah
Rabbénou Bé’hayé nous montre aussi que la beauté concise des commentaires de Rachi ne peut pas être perçue si on connaît pas la grammaire de la Torah. Suivons la technique de la recherche du sens.
Au verset 23, 16 si l’on n’avait pas pris garde au atna’h (signe de ponctuation indiquant la moitié de la phrase, correspondant un peu au point virgule) 

on aurait pu lire, en se trompant : "jusqu’au lendemain de la septième semaine vous compterez cinquante jours" ; mais l’attention au atna’h (voyez-le, placé entre "hamichim, cinquante" et "yom, jours", et donc coupant cette expression) fait lire exactement le texte comme ceci : "jusqu’au lendemain de la septième semaine vous compterez cinquante (atna’h donc coupure) jours et vous offrirez une oblation nouvelle à Hachém". Rachi dit : " jusqu’au" (dans "jusqu’au lendemain de la septième semaine" veut dire) non compris (vé loâd bikhlal véhén arbaîm vétichâ yom) et donc il y aura 49 jours et non 50. 
A travers cette recherche de Rachi, nous comprenons qu'on discute de la nécessité d'un travail continu et exigeant sur nous-mêmes et qui doit aller jusqu'au bout. Mais peut-on aller jusqu'à ce but, jusqu'à cette chlémoute, cette plénitude de 50 ou seulement jusqu'à l'approche de 49 ? En fait, que ce soit ou non possible, il faut y tendre, et ces semaines seront alors complètes.

Précision par un autre taâm
Rabbénou Bé’hayé apporte un autre élément qui nous permet de comprendre : entre "vous compterez (tisperou)" et "cinquante ('hamichim)", il y a un petit signe (taâm) qui indique une petite coupure du sens, un signe disjonctif, en forme de virgule inversée sous le mot et donc il faut lire "vous compterez" et ensuite lire "cinquante jours vous offrirez une nouvelle oblation à Hachém" comme le dit Rachi : "vous l’offrirez le cinquantième jour". 

Ce petit signe de lecture qui change la mélodie quand on lit la Torah tout haut (nommé suivant les communautés tipe’ha ou tar’ha ou de’hi) se trouve placé, soit avant la fin d’un verset (avant le sof passouq), soit avant la moitié du verset (avant le signe de étna’hta ou atna’h). Il amène des découpages très importants qui ouvrent de multiples lectures comme sous le premier mot de la Torah (beréchite), ce qui a donné l’ensemble des commentaires et des traditions des Tiqqounéi Zohar.
Nous pouvons passer maintenant du niveau de cette précision grammaticale apportée par ce taâm (goût, sens) à d’autres niveaux, car le taâm est toujours un mot qui relie les différents niveaux du "sens", depuis le plus précis jusqu’au plus intérieur très ressenti par la néchama ; nous comprenons alors que nous devons aller par notre travail jusqu’au 49e degré de purification, mais qu’il y a un arrêt entre le 49e et le 50e degré dans la possibilité de notre marche car le 50e est de l’ordre de l’union totale qu’on ne peut partager ni continuer à vivre ici sur cette terre temporaire, ainsi qu’il a été dit à Moché lui-même.

La recherche du sens (de compter, de jours et de semaines) par le Chla
Sur ces bases, nous pouvons aborder les commentaires du Chla sur le Ômér qui se trouvent dans sa Massékhète  Pessahim (Edition Rabbi Meyer Kats, pages 118 et 242 sq.).
Quand nous disons "hayom", aujourd'hui, dans la bénédiction du Ômér (par exemple, "aujourd'hui 14e jour du Ômér...), nous accomplissons cette "mitsva de compter" car nous prenons en compte l'instant de maintenant avec précision, et nous l'ajoutons aux instants précédents ; et il faut bien compter à la fois les jours et les semaines car il est dit au verset 23, 15 : "vous compterez chacun, depuis le lendemain de la fête, depuis le jour où vous aurez offert le Ômér du balancement, sept semaines complètes", comme le dit le Traité ‘Haguiga 18 a. (Ici, il serait bon de lire dans le Choul’hane Aroukh, Ora’h ‘Hayim 489 a). Quel est le sens de cela : cherchons-le nous mêmes avant de recevoir les réponses qui suivent.
Les Tossafotes indiquent que les jours sont pour l’accroissement dans la qéddoucha et les semaines pour la plénitude (yomé la qodéche, atséréte chevouî la tachloumé). Et, comme le Temple n’est pas encore rebâti dans sa plénitude, nous disons ensuite yéhi ratsone ché yibané véite hammiqqdache (qu’il soit rebâti, cf. Tossafotes de Méguila 20b, dibbour hamat’hil "kol"). L'arrière-plan de cela est que nous sommes destinés à être sanctuaire nous-mêmes. Ainsi, dit le Chla, le compte concerne certes l’individu précis (le corps, le gouf) mais prélever de sa moisson et l’apporter concerne bien le Temple, la véritable plénitude de tous les niveaux et de tous les êtres ensemble.
En ce point, le Chla loue sa communauté de Prague qui disait cette bénédiction en collectivité. Nous comprenons maintenant pourquoi.
D’abord, dit-il, cette combinaison des jours et de la semaine agit en référence aux actes de la création. Il y a sens que ce processus initial et créateur se soit réalisé par une scansion, jour après jour, et jusqu’à l’achèvement de la semaine : six fois un, plus une plénitude. C'est d'ailleurs la scansion de la prière de Ribbi Né'hunéiya ben Haqana que nous indiquons chaque jour.
De même, le renouveau de la Création (comme nous le disons dans chaque qiddouche) se réalise dans la sortie d’Egypte ; cette expression yétsiate mitsrayim est citée 50 fois dans la Torah car c’est une expansion de la bonté d'En-haut, en ses 50 portes de pureté et de sainteté et 50 marches progressives. C'est notre cadre du 50.

La part du créateur et notre part du travail
Cela n'a pas été achevé totalement à Pessa'h, après l’acte de libération qui était dûe à la seule bonté du Créateur, et les mondes se sont distanciés à nouveau ; c’est à l’homme de faire maintenant sa part de travail pour se rapprocher. Et quand il "compte", il fait cette évaluation de soi-même et dépasse un niveau puis un autre, jusqu'au dernier. Cela est explicitement décrit dans ce contexte dans les textes de nos Sages, dit le Chla. 
On peut objecter et trouver curieux ce retrait de la puissance de libération après la fête de Pessa’h, puisque l’adage est bien connu : "baqqéddoucha lo yoredine baddargua, on ne redescend pas dans les degrés de sainteté". 

La direction sûre du travail de purification : de soi à la famille et à Israël
Le Chla nous transmet des textes du Zohar et dit, par là, qu'il est possible de nous appuyer sur un texte du Zohar quand il transmet un éclairage simple mais non pas des sens ésotériques incompréhensibles pour les non-initiés. Le Zohar II 182 b fournit la solution de cette énigme apparente de la Torah.
Il est écrit (en Vayiqra 16, 6, 11, 17) que "Aharone a rapproché-sacrifié le bétail immolé pour la faute et il a sanctifié pour lui-même et pour sa maisonnée (véhiqriv Aharone éte par ha’hatate achér lo vékhipér béâdo ouvéâd béito). 
Cela nous explique qu'il devait donc 
- d’abord se sanctifier lui-même et 
- ensuite le faire envers sa maison, sa famille. 
Ainsi pour toute sanctification, elle doit d’abord s’exercer par cercles concentriques, depuis l'intérieur vers l'extérieur : d'abord envers soi-même puis, par marches et paliers, s’exercer ensuite envers la famille et aller jusqu’à Israël, nous allons le voir. Strictement dans ce sens. Le travail de purification demandé ne commence pas par des grandes théories politiques ou religieuses lancées contre les autres.
C'est pour cela que sur le site Modia une grande importance est donnée à toutes les dimensions psychologiques et existentielles de la vie du couple pour que la qédoucha y réside.
Ainsi en est-il également pour la démarche envers Israël qui est knéssète yisraél, la communauté d’Israël, la "maison d’Israël" ; de là, de cet intérieur se fait la remontée pour atteindre les jours saints d’En-Haut. Et le rapport de progression, à ces niveaux élevés est dans un rapport progressif de 1/7 : six marches avant de parvenir à un palier, six jours avant de parvenir au chabbate de la semaine ; ainsi, de même pour ce que nous devons faire : c’est de remplir nos jours d’ici-bas de la sainteté, de la qéddoucha d’En-Haut pour que, de jour en jour, lentement et modestement, nos semaines soient pleines et soient rapprochées de la qéddoucha.
Le second passage du Zohar qui traite de ces questions (III, 95 a) décrit cette réparation comme une demande de la part de Hachém envers knéssète yisraél, la communauté d’Israël. Lisons le verset du Cantique des Cantiques (Chir hachirim 5, 2) : "je dors mais mon cœur veille, la voix de mon bien-aimé frappe à la porte et Il dit : ouvre-moi, ma sœur, mon aimée, ma colombe, ma parfaite, car ma tête est pleine de rosée...".
C’est la knéssète yisraél qui parle et elle dit qu’elle reste en état de veille dans la dispersion d’Egypte et dans les souffrances de l’esclavage ; et le Bien-aimé, c’est Haqqaddoche baroukh Hou qui se souvient de Son alliance.
Il dit "ouvre-moi, même comme la petite ouverture qu’il y a dans une aiguille et, alors, Moi Je t’ouvrirai en grand les portails d’En-Haut ; c’est toi seule qui peut ouvrir Mes portails et si tu ne le fais pas, Je resterai fermé et on ne me trouvera pas. Ouvre-Moi donc pour qu’on puisse s’unir pour toujours". C’est ce qu’a dit David dans le verset du psaume 118 : ouvrez pour moi les portails saints... c'est le portail pour Hachém,  pit'hou li chaâré tsédéq, ... zé hachaâr laChém.
Le Chla dit que cela suffit d’avoir parlé ainsi. Celui qui voudra vivre vraiment cette réalité d'union que D.ieu révèle à Son peuple Israël y trouvera la voie, en les méditant et en les vivant..

Tirons-en quelques leçons précises :
- une libération globale, politique  et théorique est insuffisante ;
- elle est fausse si elle ne commce pas par la libération intérieut par la vie en sensibilité à la sensibilité d'autrui ;
- la libération demande à se concrétiser chaque jour, dans le concret de l'existence ;
- elle doit être entreprise systématiquement et progressivement, selon une méthode ;
- si l'homme ne le fait pas, les libérations espérées ne viendront pas comme des cadeaux de loterie. La sortie d'Egypte suffit, comme promesse globale ; nous y avons tous les enseignements.
- mais, ensuite, seul l'homme peut ouvrir les vannes de la bénédiction ; qu'il ne s'étonne pas et ne se plaigne pas si elle ne vient pas ; c'est qu'il n'aura pas utilisé la clef qui lui avait été remise.
- le ômér est la stratégie et la tactique précises pour ce travail.
Ces règles sont particulièrement importantes en notre époque où beaucoup pensent que le salut viendra seulement d'options politiques, de votes, ou d'intervention divine magique.
De toute manière, ce qui ressort de là, dit le Chla, c’est que l’homme doit -chaque jour et de jour en jour- réparer les conduites en chaque particularité car ces jours du Ômér sont aussi des jours de la rigueur (le dine). S'il ne le fait pas, la tentative de libération amorcée n’en échouera que davantage, comme cela s’est produit pour les 24000 élèves de Ribbi Âqiva. Ce serait alors une inversion de la Torah de vie. La salut d'Israël passe par ces règles.
Les Sages, sur cette base, ont établi l’ordre des prières et des intentions qui orientent cette action de purification à l'image d'Aharone, pour chaque jour et pour chaque semaine. 
Par exemple, dans Tomer Devora, Ribbi Moché Cordovero nous apprend comment travailler à l’amélioration concrète de chaque attitude de l’homme, de chaque midda, pour que chacun se rapproche de plus en plus de Son Créateur qui l’a fait à Son image. Alors les portails s’ouvriront et...

Dernière conclusion :
seule l'étude sérieuse, minutieuse, et avec les méthodes des Sages peut nous donner de tels enseignements.
Au contraire, une philosophie vague, une religion vague sur la Torah sont dangereuses. De même, une étude sans l'éclairage des Sages et sans l'aide de ceux qui ont appris la tradition. On sait les dégâts causés par la mauvaise interprétation de versets par les ignorants : ainsi, ne connaissant pas les règles de ponctuation de la lecture de la Torah, ils ont lu "béni est celui qui vient au nom de Dieu" comme si cet homme venait de D.ieu et était de la nature de  Dieu lui-même, alors que la connaissance de la ponctuation dans la lecture de la Torah, fait lire par tout étudiant sérieux : "est béni, au nom de Dieu, celui qui vient". On voit les conséquences graves de l'ignorance et de substituer des constructions bien intentionnées à la parole de D.ieu lui-même et qui est rigoureuse. Ensuite, toujours, l'histoire devient une suite d'horreurs sanglantes car le pilotage est perdu.
La Torah n'est Torah de vie que dans l'étude avec ceux qui connaissent la tradition et la transmettent. Ils existent ces rabbins et ceux qui ont étudiés, prêts à transmettre. Elle est vivante cette Torah de connaissance rigoureuse, dans le peuple juif..


Cours de 2e niveau

Je dédie cette étude aux personnes que je reçois en conseil familial,
également soucieuses de se comprendre par elles-mêmes et selon la Torah.


Émor, parler, et daber dire
Comment une étude précise de la langue de la paracha
nous montre le lien de la Torah à l'éducation des enfants

La clef est dans les mains de Rachi
Dans sa brièveté coutumière, Rachi pointe une question essentielle. Le premier verset a toujours un mot qui donne le titre à la paracha, il faut savoir qu'il en donne aussi l'axe. Ce mot, dans notre paracha,  est Émor, "parle". De plus, ce mot va y revenir sous trois formes différentes. Cela suffit pour nous faire comprendre qu'il est particulièrement important et doit susciter notre étude.
Cela, d'autant que tout ce troisième livre de la Torah est placé dans la relation de parole (Vayiqra, il appela).
Le texte du 1e verset de notre paracha est ceci, littéralement : "et il dit Hachém vers Moché, dire vers les cohanim fils d'Aharone ; et tu leur diras à l'homme qu'il ne se rendra pas impur dans son peuple". Il y a un passé, puis un infinitif impératif et un futur ; cela est étrange pour le même mot dans la même phrase.
Rachi commente  : émor, véamarta, léhazhir guédolim âl qétanim. C'est tout : "Il dit, tu diras, pour que les grands avertissent les petits". Il est clair qu'il s'agit d'un langage abrégé que nous devons décoder pour en tirer tout l'enseignement. 

Méthode de Rachi
Rachi nous contraint, par là, à nous reporter à de nombreux écrits des Sages pour parvenir à y trouver les repères auxquels il fait allusion et que nous ne connaissons pas : c'est son art d'être pédagogue car la Torah ne se dévoile que selon cette procédure. Suivons sa flèche.

Phase d'analyse précise :
émor, véamarta, léhazhir guédolim âl qétanim,
- émor, véamarta, d'abord il nous dit de nous interroger sur la répétition ;
- léhazhir, puis il indique que cette répétition est une prescription de mise en garde (à nous de nous interroger sur le sens de ce verbe amar comme avertissement) ;
- guédolim âl qétanim,
enfin il nous parle de grands et de petits (qui sont-ils ?).

Les sources explicites de Rachi
Méthode : souvent, Rachi, développe ce qu'il veut dire dans des commentaires situés ailleurs que dans le verset étudié et qu'il faut connaître pour comprendre ce qu'il dit, car cet autre verset est plus explicite et Rachi nous donne alors ces sources. 
Voilà pourquoi, dans le judaïsme, il faut toujours apprendre avec quelqu'un qui connaît davantage que soi, et qui a davantage de livres sous la main, dans la tête et dans le coeur, pour découvrir ces filières du sens transmises par nos Sages.
Très souvent, aussi, Rachi s'appuie sur le Middrache Rabba et sur le Middrache Tan'houma ; on pourrait trouver curieux qu'il recoure au middrache imaginatif et coloré pour nous donner le sens de la lecture directe du texte, le pchate. En fait, il nous explique qu'il agit ainsi chaque fois que ce middrache donne le sens exact du pchate.
Effectivement, nous découvrons que le Middrache Tan'houma est ici sa source :
- celui-ci remarque, comme Rachi le fera en ce commentaire, qu'il y a deux fois ce mot émor, véamarta, et que le texte le dit aux Cohanim (émor el hacohanim véamarta aléhem, haré amira chéné péâmim). Le middrache l'interprète en ce sens : comme un Roi dit à son cuisinier, "puisque tu entres et sors devant moi et vois ma face, alors tu ne dois pas te rendre impur en étant en contact avec le mort". Cela nous enseigne que le Cohen est serviteur, qu'il relie à Celui qui est la vie totale et qu'il apporte la vie à travers les sacrifices qui permettent au peuple de se nourrir ; la répétition semble avoir un rapport avec l'entrée et la sortie, c'est-à-dire qu'il assure la communication dans les deux sens pour transmettre cette vie qu'il voit et qu'il peut répartir.
- le middrache cite alors un doublet de ce mot dans le psaume 12, 7 (imarote Hachém amarote tehorote...) : "les paroles de Hachém sont des paroles pures, pour ce motif Haqqaddoche baroukh hou avertit Yisraël, pour leur sainteté et leur pureté". Réfléchissons sur le sens de ce commentaire. Chacun pourra y trouver ses éclairages ; j'y vois le lien du doublet à la pureté : Hachém n'est pas simplement si l'on peut dire Lui-même, il se manifeste dans la pureté. Ainsi, le peuple d'Israël qui est le peuple de Hachém doit vivre dans la sainteté de Hachém et dans la pureté qui en découle dans les paroles et dans les actes. Le prototype de cela est le Cohén. Et comme Hachém Lui-même, le grand, informe le petit, ainsi le Cohén en titre doit avertir ceux qui le seront. Le doublet a donc plusieurs significations.
- le Middrache Rabba cite ce même verset des psaumes et en fait une autre lecture. Il se centre directement sur la "pureté". Certes, il y a les deux niveaux (les grands et les petits) mais le verset sous-entend que les paroles des autres rois et des autres serviteurs ne sont pas pures car il y a le jeu de la flatterie et des intérêts. Tandis que leCohén n'est que pureté et il n'emploie même aucun mot qui puisse être atteint par l'impureté ; ainsi, en, Béréchite 7, 2 il dit : mine habbéhéma achér lo tehora hi, "des animaux non purs" afin de ne pas employer un mot négatif qui serait "des animaux impurs". 

Règle de comportement, dérékh érets

Nous en tirons une règle de conduite : 
notre langage et nos regards et nos pensées doivent être vérifiés constamment pour ne pas y laisser entrer le négatif, l'impur. Le Juif, à l'exemple du Cohen, doit essayer de vivre dans cette lumière intérieure. 
Dans notre monde qui véhicule si facilement l'exhibition de ce qui n'est pas pur ni beau (chacun trouvera immédiatement les exemples). 
Pourtant, souvent, le problème n'est pas dans la réalité extérieure que l'on devrait censurer, le problème est dans le regard et dans le coeur de celui qui regarde et qui parle. Ainsi, Hachém ne demande pas de supprimer du monde ce qui nous trouble mais de placer le regard ailleurs ; il y a certes des animaux qui ne sont pas purs mais c'est pour des motifs qui ne sont pas accessibles à notre compréhension. 
Par contre, il est beaucoup de mots impurs et de pensées impures (regards indiscrets sur l'intimité d'autrui, sexuelle ou non, médisance ou lachone harâ, regard malfaisant ou âyine harâ).
 

La source de Rachi sur les grands et les petits
Nous la trouvons dans le traité Yébamote, en bas de la page 114a qui commente le verset de Vayiqra 17, 12 de la paracha A'haré Mote : "kol néphéche mikém lo tokhal dam, que nul n'entre vous ne mange de sang, léhazhir hagguédolim âl haqqétanim". On voit que Rachi a encore abrégé en ôtant l'article défini. Et Rachi y commente que les petits dont il s'agit, ce sont les fils d'Aharone, et la mise en garde est qu'ils ne se rendent pas impurs. 
 
Ceci nous montre une autre règle de Rachi : il est souvent explicite mais en des endroits différents de ses commentaires sur la Torah ou sur le Talmud. La question est trop large pour la traiter ici.

A partir de là les Sages font remarquer que les deux mots véamarta lahém ("et dis-leur") sont superflus apparemment : le sens en est qu'on s'adresse effectivement alors aux enfants d'Aharone qui ne sont pas astreints à la mitsva et qui doivent cependant ne pas laisser leurs mains être atteintes par l'impureté.

Règle de comportement éducatif : oser porter l'exigence
Par son analyse, Rachi nous apporte deux éléments : 
- linguistique : le doublet comporte un sens de "transmission" comme on le trouve souvent dans la Torah : Hachém dit à Moché pour qu'il le dise ;
- éducatif : Rachi montre que la Torah porte une extrême attention à l'éducation des enfants par leurs parents et elle exige qu'ils assument leur responsabilité. Un exemple : dans la paracha Yitro (Chémote 20,10), Rachi commente avec précision les mots : "tu ne feras aucun travail, toi et ton fils et ta fille, lo-taâssé khol mélakha ata ouvinékha ouvitékha, en ces termes : "sont-ce les petits enfants ou les grands ; or ceux-ci sont déjà inclus dans l'interdiction ; alors, c'est pour avertir et mettre en garde les grands concernant la cessation d'activité des petits, comme nous avons appris dans la michna, si un petit veut éteindre une flamme, on ne doit pas le laisser faire parce que nous avons la responsabilité directe de sa mise au repos". Combien de parents ont d'autres comportements et laissent l'enfant perdre le contrôle de soi jusqu'à la fatigue, la colère et l'épuisement, ne parviennent pas à l'éduquer dans la maîtrise de ces phases et s'étonnent ensuite, quand il grandit, de son caractère tyrannique, insatisfait, incapable de prêter attention à autrui, traits que l'on retrouvera plus tard dans le manque d'écoute dans le couple, parfois dans le mépris et la violence familiale contre les épouses. L'enfant prend alors son désir pour la seule loi ; même pour faire le bien, il ne tiendra pas compte des lois morales ou légales, s'estimant au dessus des lois ; les Sages n'auront pas non plus de pouvoir de le limiter, il s'estimera capable de reprendre chacun ou de se substituer à eux sans même avoir appris et sans expérience. Quand il se situera sur le plan  des sentiments, il sera donc jaloux et tyrannique. Ces attitudes très fréquentes dans nos sociétés ont reçu pour nous le message éducatif de la Torah. Lisez I Rois 1, 6 et les conséquences dans ce chapitre. De même, lisez les propos lénifiants du père face à la gravité des actes des fils en I Samuel 2, 22-24.

Règle de comportement éducatif : être tolérant envers l'étranger
Rachi s'appuie sur la michna citée dans la Mékhilta sur notre verset. Elle nous est utile car elle montre que ce souci éducatif vif, ne tourne pas dans la tradition en exigence continue ni envers tous ; en effet, elle précise qu'on ne doit pas agir ainsi envers l'étranger. 
La Mékhilta fait ainsi une allusion au passage du traité Chabbate (page 121 a) : un incendie s'était déclaré à Bét-Chane et des soldats romains étaient venus l'éteindre ; le propriétaire juif ne le leur permit pas de l'éteindre parce que c'était chabbate, la pluie tomba et arrêta l'incendie et le soir le propriétaire envoya à la caserne des récompenses. Mais les rabbins lui dirent qu'il s'était trompé en s'interposant devant leur aide car l'observance ou non du chabbate par les non-Juifs ne nous concerne pas. Et Rachi commente en disant que le problème est différent de celui de l'enfant dont on a la responsabilité, et qui serait porté à éteindre le feu car il aime son père et pense que c'est son souhait de ne plus avoir ce souci. En cela, de plus, on nous montre que  l'enfant révèle qu'il est capable d'analyse même s'il se trompe dans les conclusions. La responsabilité éducative de l'adulte est donc importante.

On découvre par là :
- l'attention de la Torah à l'importance de la parole dans la relation,
- combien la Torah situe toujours un acte dans un  comportement, et celui-ci  dans une relation,
- l'attitude humaine complète de Rachi qui, en tout équilibre, apprend autant de la Torah que des humains, ou réciproquement,
- l'amour de Rachi pour les enfants qu'il sait à la fois estimer pour leur intelligence et éduquer avec fermeté quand c'est utile.
Ainsi, il dépeint le jeune Joseph (Béréchite 41,43) "père en sagesse et d'âge tendre en années" (av bé'hokhma vérakh bacchanim). Il faut relire tout le long commentaire de Rachi sur Vayiqra 19, 3 pour découvrir sa grande expérience d'analyse des relations dans la famille, tout cela restant sous le regard de Hachém et de la Torah.
Il connait aussi des familles où l'ensemble tourne mal (Vayiqra 20 5).
Il dépeint joliment ou tristement des caractères, toujours en montrant la profondeur des lettres de la Torah et des noms de personnes (Vayiqra 24, 11) : un israélite et le fils d'un couple mixte se querellaient et ce dernier blasphéma contre Hachém. Le nom de sa mère était Chelomite, fille de Dibri... Rachi commente, avant les progrès de la science sur la transmission psychologique familiale : "on l'appelait Chelomite parce qu'elle était bavarde : chalom par-ci à celui-ci, et chalom par-là à celui-là, et chalom à vous. Elle papotait avec tout le monde. Fille de Dibri : (davar, parole) car elle parlait sans cesse à tout-le-monde, et cela l'a dégradée".
Rachi nous montre par là combien la Torah est capable de nous enseigner pour vivre le concret de l'existence ; et aussi combien la méthode d'étude de la Torah nous donne les instruments d'analyse fine qui sont nécessaires pour nous comporter de manière optimale et éviter les embûches. Nous avons beaucoup à dire sur ces caractéristiques éducatives de Rachi, mais nous aurons l'occasion d'y revenir d'autres fois.

Émor et Daber, douceur et dureté
Celui qui a étudié quelque peu se souvient des distinctions que fait la Torah dans l'emploi de ces mots très fréquents : Émor et Daber.
A l'occasion de l'épisode où Myriam et Aharone parlèrent bé Moché, contre Moché, Rachi montre 
1) que la racine amar est toujours utilisée dans un contexte de prière, lechone ta'hanounim :
(eine amira békhol maqom élla lechone ta'hanounim. Bamidbar 12, 1).
2) que, par contre, la racine daber est toujours utilisée dans un contexte de dureté, lechone qaché :
(eine dibbour békhol maqom élla lechone qaché. Bamidbar 12, 1 et Béréchite 21, 2 et Chémote 32, 7 et Vayiqra 10, 19),
ou de remontrances :
(kol maqom ché néémar "divréi" eino élla divré tokha'kote. Qohélét 1, 1).
Ainsi, également, après la sortie d'Egypte (Chémote 19, 3), Moché est interpellé en ces termes : ko tomar lévéite Yaâqov, ainsi tu parleras à la maison de Yaâqov. Il s'agit donc du verbe amar. Rachi écrit : éllou hannachim, tomar lahém bélechone rakha, "il s'agit des femmes, tu leur parleras dans un langage doux".
Mais cette douceur envers les femmes n'exclut pas l'exigence, comme Rachi nous l'avait dépeint aussi dans la relation double entre parents et enfants : en effet, il termine son commentaire sur le même paragraphe (19, 25) par ces mots : 
"Moché redescendit vers le peuple et il leur dit... : vayomér aléhém atraa zo, et il leur dit cet avertissement". 


Le livre de Vayiqra commençait par une interpellation, l'ensemble est douceur. Mais toute parole qui atteint vraiment devient une exigence et un avertissement sévères.
Le livre de Vayiqra semble centré sur les sacrifices ; comme la racine du mot qorbane l'indique, ce livre parle de ce qu'il faut faire pour réussir dans la volonté de rapprochement.  L'hébreu est lucide car la racine du mot rapprochement est aussi la racine du mot combat.
Le livre de Vayiqra nous enseigne que la qualité des relations est dans nos mains (terme précis des commentateurs), aussi bien que la pureté et que la qéddoucha.
Le Chla conclut : la paracha nous enseigne comment chaque homme peut se sanctifier lui-même, à l'image du Cohen Gadol, et ôter de soi toute impurité pour se rapprocher de Hachém et il sera alors qaddoche la Chém.


Après toute cette analyse précise, on pourra aborder sans peine le commentaire du Rambane sur le premier verset de la paracha. 
Et l'on sera surpris de découvrir que le Rambane nous apporte de nombreuses citations dans lesquelles le verbe amar est proche du sens du daber, et réciproquement ; nous avons déjà souligné ce sens intermédiaire par la notion d'avertissement. Le Radaq fera de même.
En fait, il n'y a pas contradiction : l'étude juive avec Rachi est la base ; mais, ensuite, l'étude juive veut aussi nous laisser suivre la complexité de la vie, et des regards différents qui changent encore les perspectives. Et cela est sans fin. Comme ce qui se passe toujours entre deux personnes. Le commentaire de Rabbénou Bé'hayé nous le confirme, lui qui est de la lignée du Rambane et qui intègre brièvement tous les commentaires de Rachi.
Comme cela se passe aussi dans l'interpellation entre Hachém et son peuple : nous pouvons seulement scruter et essayer de comprendre davantage. Pour mieux aimer.
Nous le confirme l'introduction du commentaire de Rabbénou Bé'hayé sur la paracha par ce verset des Proverbes 24, 26 : Séfatayim yichaq méchiv dévarim né'hokhim, "c'est comme un baiser des lèvres celui qui répond des choses justes".
Chacun des mots peut être médité à partir du commentaire précédent.
Il insiste que le mots "lèvres" en hébreu est lié au sens de rives qui placent une limite.
Il va jusqu'à nous rappeler que le sommet de ce processus, qu'elles que soient les péripéties de nos échecs dans la vie, c'est que la mort se fasse comme un baiser (mitate néchiqa)tant la parole comprise est encore présente au moment suprême. Moché, Aharone et Myriam bénéficièrent également de cette mort, en dépît de l'épisode du conflit temporaire.
Rappelons que la tradition juive transmise de maître à élève est dire "tradition orale", âl pi, littéralement "sur la bouche" ; et, avant la prière de la âmida, on dit le verset : "mes lèvres tu ouvriras".
 

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