Histoires-1

Un article de Biographies.

Jump to: navigation, search

Sommaire

Tichri : Kippour

Un cadeau pour Machia'h

Dans un village, non loin de la demeure de Rabbi Zeev de Zobriz, habitait un Juif peu recommandable qui ne perdait pas une occasion pour répandre des rumeurs calomnieuses sur ses coreligionnaires auprès des autorités. Il était solitaire et agressif; par sa conduite ignoble, il espérait sans doute s'acquérir les faveurs du gouvernement.

Même si la plupart du temps ses racontars s'avéraient faux, ils causaient de grands torts aux autres Juifs. Ceux-ci cherchaient le moyen de mettre fin à ses agissements et en arrivèrent à la conclusion que seul le Tsaddik, Rabbi Zeev, pourrait le maudire de façon conséquente afin qu'il meure le plus vite possible. Quand Rabbi Zeev entendit leur demande, bien qu'il fût horrifié au récit de ces forfaits, il refusa catégoriquement: "Maudire un Juif n'est pas un acte simple et ne doit être envisagé qu'en dernière extrémité. Je vous en prie, dit-il à la délégation de notables, restez avec moi ce Chabbat!"

Ceux-ci acceptèrent avec joie l'invitation du Tsaddik. Ils espéraient qu'au cours de la journée, ils auraient l'occasion d'expliquer plus en détails la situation et de convaincre Rabbi Zeev qu'il ne restait que cette solution.

Mais Rabbi Zeev ne voulut rien entendre ni pendant Chabbat ni même après Chabbat. Le dimanche matin, les notables le supplièrent encore une fois et il leur répondit par une histoire: "Quand Machia'h viendra et rassemblera tous les Juifs, tous les rois du monde voudront lui apporter des cadeaux. Savez-vous quels cadeaux ils pourront lui apporter?"

Les notables présents n'en avaient pas la moindre idée...

"Alors écoutez: quand Machia'h viendra, chacun sera en train de vaquer à ses occupations habituelles: le marchand de tissu vendra ses étoffes, le commerçant servira ses clients, le cordonnier réparera les chaussures et le vitrier remplacera les carreaux cassés.

"Soudain on entendra une rumeur de plus en plus forte; chacun posera ses outils et se dépêchera. Vers où peut courir un Juif? Vers la synagogue!

"Les non-Juifs leur demanderont: " Que se passe-t-il? ""

"Et les Juifs répondront: " Nous courons à la synagogue pour avoir encore le mérite d'une prière et le mérite de l'étude de la Torah "".

"Il y aura une longue sonnerie du Choffar et alors même les Juifs les plus endurcis abandonneront leurs activités et courront vers la synagogue.

"Puis un grand nuage s'abaissera pour emmener tous ces Juifs conscients de l'événement et une voix céleste proclamera: " Que tous ceux qui ont attendu Machia'h prennent place sur le nuage! ""

"Ceux qui resteront pleureront et regretteront leur passivité: " Maître du monde! Allons-nous rester éternellement en exil? ""

"Leur cœur brisé les amènera à retourner à D.ieu et un autre nuage, peut-être moins confortable, les emmènera eux aussi vers la Terre Sainte!"

"Finalement tous les Juifs feront "Techouva": un troisième nuage emmènera tous les "retardataires" et Machia'h lui-même les conduira tous à Jérusalem vers le Temple reconstruit.

"Quand les rois du monde entendront le son du Choffar, ils seront bouleversés. Ils sauront que maintenant Machia'h pourra leur demander des comptes pour les persécutions qu'ils ont infligées au peuple juif tout au long des siècles.

"Ils se rassembleront pour décider ensemble quoi offrir au Machia'h pour se faire pardonner. L'un proposera de lui offrir une couronne en pierres précieuses, l'autre s'engagera à offrir la moitié de son royaume.

"Mais l'un d'entre eux, plus intelligent que les autres, répliquera: " Machia'h n'a pas besoin de nos cadeaux! Le monde entier lui appartient! Ce que nous pouvons lui offrir, ce qui lui fera le plus plaisir, c'est un Juif! Nous l'installerons dans une belle voiture, et ce sera sûrement le plus beau cadeau pour Machia'h! ""

"Les rois se mettront alors à chercher dans leurs pays respectifs mais ne trouveront plus un seul Juif. Car qui aurait été assez borné pour ne pas faire "Techouva" d'une manière ou d'une autre?" "Ce n'est qu'après de longues recherches qu'ils retrouveront votre tourmenteur, celui qui vous dénonce sans cesse aux autorités! Ils le forceront à s'asseoir dans la belle voiture et l'enverront, couronné d'or, d'argent et de pierres précieuses au Machia'h.

"Quand la rumeur se répandra comme quoi les rois du monde ont préparé un beau cadeau pour Machia'h, les Juifs se moqueront de cette idée: "Quel cadeau peut-on faire à Machia'h?" Et lui-même trouvera l'idée ridicule! Mais quand les rois du monde ouvriront la portière de la voiture et que tous verront: "Un Juif!" Machia'h lui-même se lèvera et ira l'embrasser: "Un Juif! C'est le cadeau qui me fait le plus plaisir!"


Rabbi Zeev se tut un instant et dévisagea chacun de ses interlocuteurs affectueusement. "Et c'est un cadeau aussi extraordinaire que vous désirez me voir maudire? Allons, laissons-le en paix pour l'offrir en cadeau à Machia'h!".

Traduit par Feiga Lubecki


La prière d'un simple

Au cours de son discours, le Rabbi a évoqué une histoire contée par le Rabbi Yossef Its'hak à propos du rapport qu'avait le Baal Chem Tov avec les gens simples.

Et voici l'histoire.

Une année, le jour de Kippour, le Baal Chem Tov vit qu'une terrible menace pesait sur une certaine communauté. Ses prières furent dirigées avec insistance vers le salut de cette ville, et en particulier la prière finale de la Néïlah, pour laquelle il était l'officiant. Mais rien n'y faisait. Pire encore, son insistance ne faisait qu'accroître les accusations qui pesaient sur cette ville, et sur lui-même qui veillait à ce que des Juifs s'installent dans des contrées rurales et des petites bourgades où ils risquaient de s'assimiler aux non juifs.

La nuit était déjà tombée et le Rabbi priait encore. Les fidèles comprirent qu'il se passait quelque chose, et redoublèrent d'ardeur à la prière et à la lecture de Psaumes avec larmes et émotion.

Parmi eux se trouvait un jeune villageois, venu passer le Saint Jour à la ville, car il n'y avait pas de Minyan dans son village.

Il ne savait pas lire, ni même prier, et se contentait de regarder et mimer ses voisins. Lorsqu'il vit l'assistance prier avec tant de cris et de larmes, il fut très ému. Il souhaitait exprimer sa simple prière, mais ne savait prier comme eux. Au comble de son émotion, il cria de tous ses poumons "Cocorico! D.ieu, aie pitié de nous, aide tes enfants!"

De tels cris d'animaux n'étaient pas usuels dans la synagogue, et les fidèles auraient expulsé le jeune enfant si le vieux bedeau ne s'était interposé.

Quelques instants plus tard, le Rabbi Baal Chem Tov avait terminé sa prière, et arborait un sourire, signe de la plus grande satisfaction.

Le Baal Chem Tov raconta par la suite que l'appel pur et simple de ce jeune l'accusation qui pesait sur le Baal Chem Tov et qu'ainsi il avait pu obtenir l'annulation du mauvais décret sur la communauté.


Notes du Rav Haïm Mordekhaï Hadakov, Année 5701 Egalement rapporté dans les Lettres de Rabbi Yossef Its'hak, vol. 4, p. 314.

Une fête d'avance.

Le jour précédent Yom Kippour, l'air même de la ville de Loubavitch était empreint de sainteté. Reb Chmouel, un 'Hassid et un érudit très respecté, était assis dans un coin de la synagogue, concentré dans son étude et sa prière quand la porte s'ouvrit avec fracas.

Un colporteur entra, jeta son balluchon sur un banc et, s'approchant de l'arche sainte, saisit le rideau brodé et se mit à pleurer sans pouvoir s'arrêter.

"Que t'arrive-t-il, mon frère?" demanda Reb Chmouel.

"Oïe, dit l'homme, que l'exil est long et dur! Justement aujourd'hui, je passais devant le château du Comte Lobomirsky. Chacun sait combien il est mauvais et chaque fois que je suis obligé de passer par là, je marche aussi vite que je peux. Soudain quelqu'un cria : "Hé Juif! " Je sentis mon sang se glacer dans mes veines. Mais, D.ieu merci, ce n'était que le valet du Comte qui voulait m'acheter une écharpe.

"Il me raconta que le Comte avait fait emprisonner toute une famille juive dans le donjon parce que le mari n'avait pas payé son loyer. S'ils n'ont pas remboursé leur dette d'ici demain, il les fera mettre à mort, D.ieu préserve! Oïe, si seulement j'avais cet argent...! Comme l'exil est terrible! "

En entendant cela, Reb Chmouel quitta la synagogue et se dirigea vers la demeure du Comte.

"Je dois parler à Son Excellence" dit-il au garde.

On le fit entrer dans le bureau du Comte. Quand celui-ci vit ce Juif, il devint furieux : "Qui t'a laissé entrer? Que veux-tu, Juif? "

"Je veux connaître le montant de la dette de cette infortunée famille" répondit calmement Reb Chmouel.

Le cupide Comte Lobomirsky comprit en un clin d'œil qu'une aubaine se présentait à lui.

"Laisse-moi réfléchir, dit-il. Voyons donc : bien sûr, il y a le montant du loyer qui n'a pas été payé depuis plusieurs mois, puis il y a, n'est-ce pas, les frais que j'ai engagés pour "nourrir" et "loger" ces gens dans le donjon; de plus, il y a une pénalité légale. Ah, j'oubliais : il y aussi des frais importants parce que je devrais annuler la fête que j'avais prévue pour mes amis qui voulaient assister au spectacle de leur pendaison : Quel dommage, voilà qui aurait été divertissant! Bon... voyons... disons qu'il s'agit de trois mille roubles! "

Une somme exorbitante!

"D'une manière ou d'une autre, D.ieu m'aidera à trouver cet argent, Comte Lobomirsky", dit Reb Chmouel imperturbable.

L'heure avançait. Reb Chmouel alla de porte en porte, expliquant à chaque fois combien cette pauvre famille avait besoin d'être aidée. Les Juifs de ce village étaient eux-mêmes très pauvres mais chacun fit un geste, même ceux qui n'avaient pas de quoi offrir à leurs enfants un repas digne de la fête qui approchait, donnèrent généreusement les quelques pièces de monnaie qu'ils avaient si durement économisées. Après avoir frappé à toutes les portes, Reb Chmouel n'avait récolté que quelques kopecks.

Il errait dans les rues, ne sachant que faire pour obtenir au plus vite cette somme énorme. Il arriva devant une taverne. Des échos de conversations grossières lui parvenaient, des voix imbibées d'alcool lançaient des injures, de l'argent circulait d'une table à l'autre...

Reb Chmouel eut soudain l'intuition que l'argent dont il avait besoin se trouvait peut-être là. En entrant, il fut saisi de dégoût par les odeurs de boisson et de tabac, par la bassesse des conversations. Assis autour d'une table, se trouvaient trois Juifs jouant aux cartes.

La veille de Yom Kippour!

En voyant Reb Chmouel, ils éclatèrent d'un rire gras insupportable. Mais Reb Chmouel se maîtrisa et leur expliqua la situation.

"Il n'y a pas de temps à perdre. Vous devez m'aider. Je dois ramasser trois mille roubles pour sauver une famille juive innocente! "

Les trois compères se regardèrent et l'un d'entre eux eut, soi-disant, une idée géniale : "Si tu avales le contenu de cette bouteille de vodka, dit-il à Reb Chmouel, je te donne mille roubles!"

A l'approche du jeûne, Reb Chmouel n'avait bien sûr pas envie de boire toute une bouteille de vodka. Mais que pouvait-il faire? L'inconfort de cette situation n'était que peu de chose par rapport à la souffrance de cette famille. Il se força donc à boire le liquide qui lui brûlait la gorge, qui emplissait son estomac vide, qui grisait déjà son cerveau.

"Chose promise, chose due" dit le joueur étonné mais "honnête". Il lui donna les mille roubles.

Et les deux autres joueurs, pour ne pas être en reste, en firent de même. C'est ainsi que Reb Chmouel dut absorber, l'une après l'autre, trois bouteilles de vodka, alors que la fête approchait et qu'il lui faudrait jeûner et prier toute la journée suivante!

Titubant, les jambes flageolantes, la tête prise dans un épais brouillard de vapeur d'alcool, Reb Chmouel avança en se cramponnant où il pouvait vers le palais du Comte. En trébuchant, il entra dans le bureau, se mit à vider ses poches devant le noble ébahi. Celui-ci n'en croyait pas ses yeux, mais il se mit à compter l'argent scrupuleusement : "Le compte est bon. Faites sortir la famille juive".

Le père, la mère, les enfants, tous amaigris et vêtus de haillons, furent alors remis en liberté et remercièrent chaleureusement Reb Chmouel.

Mais celui-ci n'entendait déjà plus rien. Péniblement, il mit un pied devant l'autre, et parvint, par miracle, à marcher jusqu'à la synagogue où il s'effondra.

Les fidèles arrivaient, vêtus de leurs habits de Chabbat, recouverts de leur Talit (châle de prière) fraîchement lavé et repassé.

En passant devant Reb Chmouel, vautré sur un banc, avec ses vêtements de semaine souillés par l'alcool et les vomissements, ils ne pouvaient s'empêcher de grimacer de dégoût : "Un jour comme Yom Kippour! Quelle honte se disaient-ils.

Reb Chmouel ronfla et hoqueta durant tout l'office du soir. La prière terminée, on récita les Psaumes et chacun rentra chez soi.

Le lendemain matin, Reb Chmouel était toujours endormi dans un coin. Il était évident qu'il n'avait pas prié. Soudain il se réveilla, ouvrit avec peine un œil, puis l'autre, s'étira et se leva d'un bond. Se dirigeant droit vers l'arche sainte, il tapa du poing sur le pupitre et d'une voix tonitruante, s'écria : "Tu as enseigné que l'Eternel est D.ieu! Rien n'existe sinon Lui! "

Le rituel de Simh'at Torah!! Horrifiés, les autres 'Hassidim cherchèrent à le faire taire. Il outrepassait les bornes! De quel droit se mettait-il à prendre la place de l'officiant, après avoir dérangé la prière par ses ronflements d'alcoolique, et, de surcroît, en prononçant les versets de la prière de Sim'hat Torah?


Ne savait-il pas que c'était Yom Kippour, le jour le plus saint de l'année?

Mais le Rabbi se leva à son tour et les rassura : "Laissez Reb Chmouel. Son Yom Kippour a bien plus de valeur que le nôtre. Avec la grande "Mitsvah" qu'il a faite, il a atteint un niveau incomparable. Il a déjà dépassé Yom Kippour! Il nous attend pour la prière de Sim'hat Torah! "

Traduit par FL


Des Kapparot peu communes

Un vieux disciple de Rabbi Elimekekh de Lizinsk, 'Hassid dans toutes les qualités du terme vint le consulter l'avant veille de Kippour. Avec une seule demande dans la bouche: il voulait assister à la cérémonie des Kapparot du Rabbi.

"- Voici des dizaines d'années que je viens voir le Rabbi, et je n'ai jamais eu l'occasion de voir comment le Rabbi fait ses Kapparot. J'ai tellement envie de voir …

- Mais toi-même, comment fais tu les Kapparot?

- Moi, je suis un juif simple, répondit le 'Hassid. Je prends un coq blanc, selon la coutume, et je suis les indications du livre, pour lire "que ceci soit mon change, …." - Et bien tu vois, je fais la même chose. Avec une différence, c'est que toi tu cherches un coq blanc, et moi je n'y prête guère attention: blanc, noir, c'est la même chose." Le 'Hassid insista –comme à l'accoutumée. Il voulait voir les Kapparot telles que le Rabbi les faisait, certain d'assister à un événement hors du commun. "- Puisque c'est ainsi, je vais te donner un conseil précieux. Va dans tel village, chez tel juif. Tu verras chez lui de belles Kapparot". Le 'Hassid fit immédiatement préparer son attelage, et partit sur sa charrette vers ledit village. Il s'enquit de la demeure de cet homme. On le dirigea vers une auberge à l'extrémité du bourg. Il était près de minuit lorsqu'il poussa la porte d'une salle enfumée où des dizaines de paysans s'agiotaient. Qui buvait, qui chantait, qui jouait aux cartes, qui abreuvait les autres de longs discours. Il s'assit dans un coin pour voir comment les "belles Kapparot" allaient se passer. Lorsque le maître de maison s'aperçut de sa présence, il s'approcha de lui pour s'enquérir de ses besoins. "Pas grand chose, je voudrais juste passer la nuit ici. Pas de chance, balbutia l'aubergiste. Je n'ai pas de chambre à vous proposer aujourd'hui,. Et de toute façon, vous trouverez dans le village des possibilités plus convenable pour un homme comme vous. Notre 'Hassid insista pour qu'on le laisse se reposer sur un banc jusqu'au lever du jour puis fit semblant de s'y endormir. Peu de temps après l'aubergiste commença à chasser ses consommateurs récalcitrants. Les uns gentiment, les autres avec force vociférations. Lorsque l'auberge fut vide, il ouvrit toutes les fenêtres pour en évacuer la fumée, puis s'assit à une des tables. "Femme, apporte moi le carnet qui est sur l'armoire, dans l'arrière boutique." Il ouvrit le carnet et commença à énumérer d'une voix brisée toutes les fautes qu'il avait commises durant l'année. "Tel jour, j'ai dépassé le temps de la lecture du Chéma, tel jour j'ai fait ceci, etc." Lorsque la confession fut terminée, il poussa un long soupir puis éclata en sanglots. "Maître du Monde, déjà l'an dernier j'ai fait repentance, et j'ai promis de me conduire comme il se doit, et ne pas refaire de fautes devant Toi. Vois quel est mon sort: des fautes, des fautes, des fautes." Il se remit à sangloter de pklus belle. Au bout d'un certain temps, il demanda à sa femme un autre carnet, dans tel endroit. "Maître du Monde, tel jour j'ai traversé la forêt et des brigands m'ont rossé et détroussé, tel jour mon enfant est mort, tel jour il m'est arrivé ceci, tel jour…" Il ressortit ainsi tous les malheurs qui l'avaient frappé cette année là, puis se remit à pleurer. "Maître du Monde, ne T'avais je pas demandé l'an dernier de me donner une année bénie de bonnes choses, de vie, de paix. J'ai cru en Toi et j'ai été sûr qu'il en serait ainsi. Et en fin de compte quel a été mon année? " Un long silence entrecoupé de soupirs. "On est maintenant la veille de Kippour, et il faut qu'on fasse la paix entre nous. Maître du Monde, oublions nos reproches mutuels. Tu ne me dois plus rien, et je ne te dois plus rien." Il prit les deux carnets, les ficela ensemble, les fit tournoyer au-dessus de sa tête. "Ceci est mon change, ceci prend ma place, ceci est mon expiation…" Puis jeta les cahiers par la fenêtre. Le 'Hassid avait assisté à tout cela médusé. C'est vrai qu'il venait d'assister à des Kapparot hors du commun. Emu, il quitta discrètement l'auberge et eut longuement le temps de méditer sur la simplicité et la sincérité de l'aubergiste dans ses relations avec le Tout Puissant. Il arriva peu avant l'aube chez Rabbi Elimekekh, et fut admis immédiatement dans la chambre du Rabbi, qui lui demanda de raconter tout ce qu'il avait vu.

Le Rabbi fut très satisfait de la leçon que son 'Hassid venait de prendre.

Kippour dans un camp de travaux forcés

Rabbi Israël Spira, le Rabbi de Bluzhev était Rav de Prochnik, en Pologne, jusqu'à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Il a livré quelques-uns uns de ses souvenirs au Jewish Observer de Juin 1978. Cela se passe dans le camp de travail de Lemberg Yanowsky, quelques jours avant Yom Kippour. Comme ailleurs, dans les autres ghettos et camps de travail, les tortionnaires nazis avaient choisi des juifs pour surveiller les travailleurs juifs et les pressuriser jusqu'à leur ultime souffle. Le chef surveillant à Lemberg, était un juif nommé Schneeweiss, dont la cruauté n'avait d'égal que la haine que lui rendaient ses frères.. Comme ses semblables à la botte des nazis, son plaisir avide de satisfaire ses maîtres pour en tirer quelques croûtons de pain supplémentaire ou quelques jours de vie de plus, le menait à être encore plus cruel qu'eux-mêmes. Les nazis quant à eux se délectaient de ces juifs qui opprimaient d'autres juifs. Yom Kippour arrivait. Certes on pouvait s'arranger avec le jeune. Il était clair que jeûner représentait un risque fatal, les rations quotidiennes suffisant à peine à nourrir les travailleurs. D'ailleurs les Rabbins consultés sur le sujet étaient unanimes: "La Torah ordonne de manger dans de telles conditions, et interdit de prendre le risque de mourir de sous nutrition. Nous n'avons pas le droit de hâter la mort, même si nous sommes trop petits pour comprendre le sens de notre vie dans de telles conditions". Malgré ceci il y avait quelques entêtés pour qui un jeune de Kippour, une paire de Tefiline, un morceau de Matsah ou une sonnerie de Choffar, quelques gouttes d'huile pour allumer une lampe de Hannoucah, un Minyan … valaient suffisamment pour risquer de prendre une balle, ou simplement une bastonnade. Ils 'étaient regroupés autour de leur chef spirituel dans le camp Yanowski de Lemberg. "Rav Spira, Yom Kippour arrive. Qu'allons nous faire, Comment est ce possible de le profaner et de travailler ce saint jour comme un autre jour?" Le Rabbi était toujours ému de voir le courage de ses juifs. Il leur promit de faire quelque chose. Il partit à la rencontre de Schneeweiss. "Monsieur le Surveillant Chef, vous savez certainement que Kippour approche. Je suis Rabbin, et il m'importe de respecter ce saint jour. Un groupe de mes disciples est avec moi. Nous ne vous demandons pas de nous exempter de travail, mais de nous donner un travail qui ne soit pas une transgression des interdictions de travailler de ce jour. Nous sommes prêts à faire plus de travail les jours suivants pour que les quotas soient respectés." A vrai dire, parler ainsi à Schneeweiss était déjà un acte de courage, car il était bien peu ami des juifs pratiquants, et avait de plus un pouvoir de vie ou de mort sur ses travailleurs. Il aurait pu utiliser cette demande comme un acte de rébellion, et se faire valoir un peu plus aux yeux de ses maîtres, en dénonçant "la paresse des rabbins qui cherchent tous les moyens de saper la victoire de la race supérieure avec des prétextes fallacieux". Schneeweiss laissa entendre qu'il réfléchirait. Le lendemain, il fit savoir au Rabbi qu'il était disposé à laisser un nombre restreint de travailleurs nettoyer les appartements des officiers du camp. Mais en aucun cas il ne les défendrait si les allemands s'apercevaient de quoi que ce soit. Dans tous les cas, il ne devait pas rester un grain de poussière à la fin de la journée, sous peine de… C'est donc un office de Kippour inhabituel que dirigea le Rabbi de Bluzhev cette année là, avec quatorze disciples. Il était debout sur un rebord de fenêtre, nettoyant les vitres, tandis que les élèves balayaient, époussetaient, mettaient de l'ordre. Ceci en récitant les prières du jour comme s'il était le chantre devant toute la communauté. A midi, le chariot du repas fut apporté. Nul n'y prêta attention, tant ils étaient occupés à prier - ou à balayer. Lorsque les Allemands vinrent contrôler le travail de leurs hommes de ménage de ce jour, tout fut excellent. Jusqu'au moment où ils tombèrent sur le chariot. "Juifs, bouffez ça tout de suite!" Rabbi Spira se dirigea vers les officiers et leur expliqua qu'aujourd'hui c'est le saint Jour de Kippour, qu'ils ont travaillé loyalement malgré ceci, que le travail a été très bien fait, et qu'ils demandent à être dispensés de manger puisque leur loi le leur interdit, et que ceci ne les empêchera pas de poursuivre leur travail dans les meilleures conditions. Les officiers étaient furieux. Ils firent venir Schneeweiss. Le surveillant Chef s'approcha en tremblant. "Ces chiens de juifs refusent de manger. Occupe-toi d'eux. On revient dans deux heures, et s'ils n'ont pas mangé, on te descend." Schneeweiss se redressa, ouvrit sa chemise et leur répondit: "Je n'ai pas l'intention de les forcer à manger. Moi-même je jeune aujourd'hui. Si vous voulez me tuer, tuez-moi tout de suite." Un allemand sortit son arme, mais Schneeweiss resta ferme. Un coup partit, et Schneeweiss s'écroula par terre. Ainsi le maudit Schneeweiss était devenu Schneeweiss le martyr, le saint. Les allemands se tournèrent alors vers les prisonniers juifs, qui étaient prêts à subir le même sort. "continuez à travailler. La nourriture sera jetée, et vous ne recevrez rien jusqu'à demain matin. Au boulot!"


Qui peut sonder le fond d'un cœur juif? Qui sait quelles élévations l'âme juive peut atteindre?

Extrait du site de Aharon ALTABE

Vol de kapparot

25 Septembre 2001 Avant veille de Kippour 5762, certes, mais aussi période de grande tension en Terre Sainte comme dans bien d'autres endroits. On redoute des attaques terroristes, et surtout des attaques aussi innovantes que sophistiquées. C'est donc avec rapidité que les forces de sécurité se mobilisent lorsqu'on apprend qu'un avion de type Ultra Léger Motorisé survole Eilat. Une infiltration terroriste à partir de la Jordanie! Qui peut savoir qui conduit cet avion, quelle est sa cible et quel est son potentiel nuisible: explosifs, toxines ou toxiques… Mis en garde par hauts parleurs, entouré d'hélicoptères de l'armée prêts à le "descendre" à la moindre escapade, l'intrus finit par atterrir après vingt minutes de poursuite, sous haute surveillance policière. A la surprise générale, descend de l'engin, un barbu plutôt terroriste version intellectuel plus que kalachnikoff, le Rabbin Shimon Eizenbach, avec un cageot contenant un coq et une poule. Il était tout bonnement parti avec un pilote pour promener les volailles au dessus de la tête de ses concitoyens d'Eilat, dans la plus innovante tradition des kapparot. C'est ainsi qu'il s'était acquitté de l'antique usage des veilles de Kippour, lorsqu'on demande pardon à D.ieu et que l'on agite un gallinacé au dessus de sa tête en priant "Ceci est mon change, ceci prend ma place, ceci est mon expiation…" Les poulets eux n'étaient pas très contents de la mobilisation générale entraînée par toute cette agitation et emmenèrent le rabbin et son Icare au poste de police. S'il avait effectivement demandé les permissions adéquates du contrôle aérien, il avait omis de prévenir la police et l'armée. Malgré le procès dont il est menacé, le Rabbin Eizenbach a déclaré qu'il était heureux d'avoir réalisé le rituel des kapparot pour sa vile, puis est parti procéder à l'abattage des poulets selon la tradition.


Jerusalem Post, 26 September,2001. Extrait du site de Aharon ALTABE

Sauver une âme juive!

Narewka, Biélo Russie. Durant ces dix jours de pénitence, même le ciel participe aux préparatifs de Yom Kippour. Une pluie drue tombe sans cesse de lourds nuages où le noir l'emporte sur le gris. Un gris qui se fond à l'horizon au gris des chemins boueux du village et ses alentours. Les modestes demeures couvertes de paille du quartier juif semblent s'être resserrées entre elles pour mieux affronter la rigueur du Jugement. Tôt le matin, les rues s'emplissent de ces ombres qui se pressent pour aller aux Seli'hot et les juifs s'attardent aux prières dont le murmure déborde les murs de la synagogue. La vie familiale se renforce: on parle plus gentiment entre maris et femmes, on évite de lever la main sur les enfants … et les enfants évitent d'obliger leurs parents à le faire. Tous se doivent d'arriver unis et forts devant D.ieu pour ce jour du Jugement. Pas étonnant que l'on commerce moins, qu'aucun coche ne s'écarte de la ville. Qui donc quitterait son foyer à l'approche du jour solennel? C'est là tout le problème de Baroukh. Il cherche avec entêtement un cocher qui accepte de braver les éléments déchaînés et soit prêt à quitter la ville pour l'emmener à Stuhlin. Chez le Rabbi! Mais personne ne veut en entendre parler. A vrai dire, Baroukh serait bien resté chez lui. Si les conditions du voyage et l'idée de laisser seuls femme et enfants ne suffisent pas à vous expliquer pourquoi, il faudrait que je vous parle de la fureur de la maîtresse de maison… Mais Baroukh n'y pouvait rien. C'est le Rabbi lui-même qui lui avait demandé, lors de son séjour habituel de Chavouot, de revenir pour Yom Kippour. Allez faire comprendre ceci à la maîtresse de maison! Finalement Baroukh fit appel à un cocher non juif, le gardien du cimetière qui accepta de le conduire à Stuhlin. A peine furent ils sortis de la ville que les ennuis commencèrent. Ici, une roue se cassa. Là la charrette s'enfonça dans une boue épaisse. Plus loin c'est un essieu qui se manifesta. On aurait dit que le Satan en personne s'était mis de la partie pour empêcher Baroukh de satisfaire la demande de son Rabbi. Baroukh éleva la voix pour stimuler le cocher. Mais à quoi bon crier alors que la charrette dérapait, que le cheval glissait hors de la route, et qu'après quelques pas une autre pièce se cassait, un nouvel obstacle bloquait la route… La nuit venue ils firent un bref arrêt dans une auberge, qu'ils quittèrent tôt le matin pour poursuivre la route. La pluie battante avait transformé le chemin en un vaste marécage, dans lequel le cheval avançait pas à pas. On avançait sûrement et lentement … dans l'après-midi. Baroukh pensait aux autres juifs, qui avait déjà prié Min'ha, s'étaient mis à table ou même l'avaient déjà quittée, étaient prêts pour le jour solennel. Et lui Baroukh, le 'Hassid pour qui la moindre demande du Rabbi était un ordre, était perdu dans une plaine de boue interminable, loin de toute communauté, loin des siens, loin de son Rabbi pour qui il avait entrepris ce voyage insensé. La lumière du jour baissait, et la pluie redoublait. De loin on apercevait une forme de baraque isolée sur le bord de la route. "Peut être un juif habite ici" se rassura Baroukh en désignant la direction à son cocher. Ils furent accueillis par les aboiements d'un grand chien noir qui émergea de la maison. A la fenêtre apparut un paysan. "Eh, juif, qu'est ce que tu fais dehors par un temps pareil? Fais le rentrer, par un temps pareil on a pitié même des chiens errant" enchaîna la paysanne. Trempé jusqu'aux os, grelottant, Baroukh s'écroula sur un banc près de la cheminée et se mit à pleurer. Kippour aux côtés de ses enfants, il n'avait pas. Kippour avec un Minyan et une communauté, il n'avait pas. Et plus que tout Kippour chez le Rabbi, et à la demande du Rabbi il n'aurait pas non plus. Il fallait bien s'y résoudre, il passerait ici dans la plus grande solitude le saint jour du pardon! Les yeux embués de larme, il se leva, revêtit son Kittel, s'enveloppa dans son Talith. Et commença à prier le cœur serré. Lorsqu'il entama le "Kol Nidréi", il se sentit déjà soulagé. Le poids qu'il avait sur le cœur semblait moins lourd. Les mots s'envolaient au fur et à mesure que la mélodie traditionnelle l'emportait. Plus rien n'existait sinon lui et son Créateur, et il éleva la voix, comme s'il était le 'Hazan de cette communauté absente qu'il aurait aimé trouver dans cette solitude. Sa voix empreinte de tristesse et d'espoir, de crainte et de certitude parcourait certainement toute la campagne alentour pour y diffuser la Sainteté du Jour. L'écho semblait reprendre de l'infini "et D.ieu répondit: je pardonne comme tu l'as demandé". Comment décrire la joie de Baroukh dans sa prière. Il n'était plus perdu dans un océan de boue dans lune maison étrangère. Il était là devant le Rabbi, chantant et dansant au moindre signe, au plus petit regard du Rabbi. Un cri strident suivi d'un bruit de chute le tira de son extase. Baroukh se précipita vers la chambre de son hôte. La paysanne gisait au sol, et son mari lui frottait les tempes avec un torchon imbibé de vodka. "Quel malheur! On était en train d'écouter ta prière, et tout d'un coup elle a perdu connaissance. Reste là, je vais chercher un médecin!" dit il avant de disparaître sous un épais manteau et de se jeter dehors. La paysanne fit signe à Baroukh de s'approcher.


"Quand j'avais sept ans, toute ma famille est morte dans un pogrom. Une famille chrétienne a eu pitié de moi et m'a recueillie… Avec le temps, je me suis mariée à cet homme, et j'ai complètement oublié mon origine juive… Ton "Kol Nidréi" m'a réveillée. Je me suis mise à trembler, et tout m'est revenu... Mes années d'enfance, mon père qui nous bénissait d'une voix tremblante la veille de Yom Kippour, les mains posées sur nos têtes... Et ma mère, au regard triste et empli d'amour pour ses enfants. Ce n'est pas possible, je dois revenir chez les miens, ça ne peut plus durer… Chéma Israël Ado-naï Elo-hènou Ado-naï E'had …" Elle tourna sa tête et se tut… Baroukh savait maintenant pourquoi le Rabbi l'avait envoyé dans cette plaine perdue. Sauver une âme juive!


Traduit de Otsar Ha'hag, Yom Kippour Mena'hem Mandel, Jérusalem 5745 Extrait du site de Aharon ALTABE

Un Kippour avec Reb Leïb Sarah's.

Des pluies torrentielles avaient obligé les voyageurs à se réfugier dans les auberges ou abris de fortune que la campagne russe pouvait leur offrir. C'est la raison pour laquelle le saint Rabbin Reb Leïb Sarah's se trouvait à l'entrée ce petit village, bien loin de la ville où il s'était préparé à passer le saint Jour de Yom Kippour. Après avoir scruté ce qu'on pouvait apercevoir sous les tornades de pluie, il décida que c'est ici qu'il serait obligé de passer la fête. Qui mieux que lui qui parcourait sans cesse monts et forêts pour y trouver des juifs perdus voire égarés pouvait être certain que c'est la main de D.ieu qui l'avait amené dans ce petit village? Il parvint à trouver l'aubergiste juif du village, et y entra dans l'auberge dégoulinant de pluie. Quelle ne fut pas la joie de l'aubergiste! "Grâce à D.ieu, un juif de plus sera parmi nous à Yom Kippour et nous pourrons prier avec lui!" "Il y a donc dix juifs dans ce petit village? Non, Rabbi, mais deux villageois des alentours se déplacent pour la fête et complètent le Minyan de dix hommes juifs indispensable." Reb Leïb Sarah's était heureux de pouvoir prier avec une communauté. L'aubergiste lui prépara une chambre, des vêtements secs. Reb Leïb partit se tremper dans la rivière proche pour se purifier pour le saint jour. L'après midi touchait à sa fin. L'aubergiste avait préparé une table de fête pour sa famille et son illustre invité, mais scrutait d'un air inquiet le chemin à l'entrée du village. Il fallut bien se rendre à l'évidence: les deux juifs attendus n'étaient pas là, et n'arriveraient pas. Ils étaient neuf dans l'auberge, à lire les Psaumes et les confessions qui précèdent le début de la prière. Reb Leïb leva les yeux de son livre et se rendit compte du désastre. "Il a du leur arriver quelque chose. Ce ne sont pas des gars que les intempéries arrêtent, et ils sont toujours venus pour prier avec nous à Yom Kippour!" Peut être il y a-t-il encore un juif qui habite dans les environs? tenta Reb Leïb. Non. Ou peut être un juif perdu, qui a quitté la vie juive? Un juif renégat avec nous?!! Comment est ce possible? Sachez qu'un juif reste toujours un juif, et qu'il peut revenir à D.ieu et à ses commandements tant qu'il est vivant. Serait il tombé dans le plus profond de l'abîme, il peut ressentir des regrets et les portes du repentir ne sont jamais fermées. Même devant le pire des renégats. … Le silence fut rompu par un des villageois. "C'est vrai, on a ici un juif perdu. Mais quel bonhomme! Le seigneur du château en personne. On dit de lui qu'il est d'origine juif. Oui, Oui. Un vrai renégat. Voici des dizaines d'années qu'il a abjuré. Il a sûrement même oublié ses origines. Une vieille histoire renchérit un autre. Il a une soixantaine d'années, et est le fils d'une famille de paysans juifs. Pauvres et simples, éloignés de toute pratique juive. Pas étonnant qu'il ait passé sa vie à courir derrière le luxe et les honneurs, et il les a rattrapés. Il a touché à tout dans sa jeunesse pour gagner sa vie, et a trouvé grâce aux yeux d'un noble qui l'a aidé. En quelques jours, il en a fait un "goy": Ses vêtements ont changé, sa chevelure a poussé avec des bouclettes à la mode, il a appris la chasse, la musique, les "bonnes manières". Au bout d'un an, on racontait dans le village qu'il s'était converti pour épouser la fille du noble et devenir l'héritier d château. L'épreuve avait été trop difficile pour ce pauvre garçon issu de la misère. A-t-il des enfants, demanda Reb Leïb Sarah's? Non. Sa femme est morte il y a un certain temps, et il est resté seul. Enfermé et solitaire. Ce que l'on sait de lui, c'est sa haine des juifs, et nous n'avons aucun lien avec lui. Quelqu'un a-t-il essayé de lui parler? D.ieu garde! On dit qu'il y a dans son jardin une fosse dans laquelle il jette tous les visiteurs indésirables. C'est ce que faisait déjà son beau-père. Reb Leïb Sarah's n'en demanda pas plus. Le temps était précieux, surtout un jour de Kippour. Vêtu de son Kittel, il sortit seul sous la pluie et se dirigea vers le château. Les villageois auraient bien tenté de l'en dissuader, mais son visage rayonnant de sainteté les avait arrêté. Lorsqu'il arriva aux portes du château, il dut frapper bien fort pour que le bruit soit plus fort que le tonnerre. Les gardiens, sidérés de voir un juif s'aventurer avec tant d'audace au château le laissèrent rentrer sans souffler un mot. Là, dans la grande salle du château, face à la cheminée, était assis un vieillard. Seule la lumière rougeâtre des braises qui s'éteignaient éclairait son visage. A ses pieds, un énorme chien noir, qu'il caressait d'une main. Et dans l'autre main, un verre d'alcool qu'il savourait. Il était trop occupé à observer l'âtre pour percevoir l'arrivée de Reb Leïb. "Valentin, qu'attends tu pour remettre du bois, le feu va s'éteindre! Tant qu'il reste une braise, le feu peut reprendre!" C'est à ce moment là qu'il perçut un bruissement inhabituel et tourna la tête. Il se leva, rouge de colère, prêt à déverser sa colère sur son visiteur inattendu, sur ces gardiens insensés qui laissent entrer n'importe qui, et de surcroît un juif! Allait il lâcher le chien, s'emparer d'une arme… Il resta immobile, dévisageant Reb Leïb qui ne le lâcha pas du regard. Il finit par baisser les yeux. La sainteté de son hôte avait eu raison de son courroux. Reb Leïb rompit le silence. "As tu entendu ce que tu as dit? Tant qu'il reste une braise, le feu peut reprendre!" … Je m'appelle Reb Leïb Sarah's. J'ai eu le mérite d'être élève du Saint Baal Chem Tov, que tant de nobles ont connu et apprécié. Ce Saint a déclaré que chaque juif, où qu'il se trouve, doit faire sa prière. Comme le Roi David l'a dit dans les Psaumes "Sauve moi du sang, D.ieu". Or le mot "damim, sang" signifie aussi l'argent. Et David annonce: "évite moi de faire de l'argent ma divinité". Résister à l'épreuve de la richesse est bien difficile, et il faut admettre que tu n'as pas réussi. Pour de l'or, de l'argent, des pierres, tu as renoncé au D.ieu de tes ancêtres, tu as apostasié. Mais la voie n'est pas fermée, même pour toi. On peut acquérir son monde futur en un instant, et le moment est venu pour toi. Je te mets en garde, ne perds pas cette occasion, ni ta part de vie, ta vie du monde futur. Dans quelques instants le soleil va se coucher, et commencera le grand jour, ce jour où chaque juif peut arriver au pardon de son Créateur. Et la première Mitsvah que tu feras ce jour là c'est d'être le dixième de l'assemblée. Viens prendre ta part, dont il est dit "et le dixième sera sanctifié pour D.ieu". Reb Leïb Sarah's avait terminé de parler, et le seigneur restait muet. Terrifié par le regard du Juste, son accoutrement, le ton de son discours, il semblait pétrifié. Pâle, il revoyait défiler son enfance: en haillons, dans la petite synagogue, aux pieds de son père qui s'accrochait au livre de prière comme un désespéré s'accroche à un tronc qui flotte. Et ces mots de prière qu'il prononçait à grand peine, mais avec ferveur. Il tourna la tête pour chercher une aide que nul ne pouvait lui donner. Il saisit son manteau et se dirigea vers la porte. Reb Leïb Sarah's l'avait déjà précédé et se hâtait vers l'auberge. Dans l'auberge, la tension était à son comble. Qui savait ce qui pouvait leur tomber sur la tête à cause de l'audace de leur étrange invité? Le seigneur était capable de tout pour se venger d'une telle impudence. Lorsque la porte s'ouvrit, tous retinrent leur respiration. Reb Leïb fit irruption, le visage en feu, et derrière lui, la tête basse, le redoutable seigneur! Sans perdre de temps, Reb Leïb tendit un Talith au seigneur et lui fit signe de s'en couvrir. Puis il sortit de l'Arche deux rouleaux de la Loi, selon l'usage de Kol Nidréi. Il tendit l'un à un des villageois et l'autre au seigneur. Il poussa un profond soupir, se plaça devant le pupitre et commença la prière du Kol Nidréi: "Avec la permission, de D.ieu et la permission de la communauté, nous permettons la prière avec les renégats …" Un fort coup de tonnerre ponctua sa phrase. Le seigneur éclat en sanglots déchirants, et tous se mirent à pleurer avec lui. Reb Leïb poursuivit l'office, entrecoupé de soupirs et de pleurs qui soulevaient l'assistance. Le seigneur resta debout toute la soirée, la tête baissée, courbé, soumis. La sainteté du Tsaddik agissait sur lui et "nettoyait" les années d'égarement. Nul ne voyait son visage, caché sous le talith, mais on entendait ses pleurs, on voyait le flot de ses larmes. Jamais les villageois n'avaient eu un tel Kippour empli de ferveur, d'enflamme ment, de sensations d'élévation spirituelle. Le lendemain, la même scène se reproduisit. Le seigneur resta entouré de son Talith toute la journée, et l'on n'entendit que des larmes et des gémissements. Lorsque le jour tira à sa fin, à l'office de Néïla, il se mit à bouger d'un bout à l'autre de la pièce, puis s'approcha de l'Arche, étreignit les Rouleaux de la Loi et cria du plus profond de lui "Chéma Israël Ado-naï Elo-hènou Ado-naï E'had". Dehors la tempête s'était arrêtée. Les derniers rayons du soleil inondaient la pièce, et on entendait le sifflement des oiseaux sur les arbres. Le seigneur s'arrêta quelques instants pour prêter attention à l'hymne que la création entonnait à son Créateur, puis s'écria " Ado-naï hou haElo-him". La phrase fut dite sept fois, selon l'usage de la Néïla, pour signifier l'acceptation de la Royauté Divine. A chaque fois, sa voix se faisait plus forte, et il se redressait encore un peu plus. Son visage découvert apparut à tous rayonnant et purifié. Puis il s'écroula sans vie sur le sol.

Il restait encore à prier l'office du soir, Maariv, mais il n'y avait plus dix hommes! Reb Leïb, par le mérite de qui le seigneur avait fait repentance déclara "Il a le mérite d'être parti en prononçant le Nom de D.ieu. Il fait maintenant partie des Justes; ceux dont il est dit que même morts ils sont appelés "vivants". Et s'il en est ainsi, nous pouvons l'associer au Minyan. "Vehou Ra'houm … Et Lui dans sa Miséricorde il pardonne le péché" (premiers mots de l'office du soir). Le soir même, le seigneur fut porté en terre dans le cimetière juif du village, sous les soins de Reb Leïb Sarah's. Les années passèrent, mais jamais Reb Leïb n'oublia cet homme, et chaque année, à Yom Kippour il disait un Kaddich pour l'élévation de son âme. Traduit de Otsar Ha'hag, Yom Kippour Mena'hem Mandel, Jérusalem 5745

La porte est ouverte

Chnéour fils de Ephraïm était un des notables de la ville de Bodon. Il était riche, comblé, honoré des siens comme des Gentils de sa ville, était réputé pour sa bienveillance et fréquentait l'aristocratie locale. Il tomba un jour amoureux d'une femme non juive, pour laquelle il abandonna femme et enfants, à la grande honte des siens et de toute la communauté juive de sa ville. On n'avait jamais vu une telle exaction à Bodon, et les dirigeants de la communauté décidèrent de passer à l'action pour l'amener à abandonner son erreur. Après des mises en garde répétées, ils décidèrent de l'attraper et lui couper sa barbe, afin que tous voient et craignent le péché. Lorsque Chnéour eut vent du projet, il se précipita chez le prêtre et se convertit pour échapper à ses poursuivants. Chnéour différait toutefois des renégats "usuels". Il était resté un ami des Juifs. Il continuait chaque vendredi à distribuer des dons aux nécessiteux de la ville pour les besoins de Chabbath, et même plus qu'auparavant. Il ne manquait pas une occasion d'intervenir auprès des autorités locales pour alléger les souffrances des Juifs. A vrai dire, au début, on craignait beaucoup de ses bontés. Ne dit on pas que rien de bien ne peut sortir d'un méchant? Il fallut bien se rendre à l'évidence: Chnéour aimait réellement ses juifs. Son dévouement, les risques qu'il prenait à chaque fois ne pouvaient être des calculs perfides. Sa réputation de bonté lui valut de nombreuses visites, et les occasions ne manquèrent pas d'aider ses frères, de sa poche que par ses interventions auprès des princes. Son soutien aux juifs ne lui valut pas que des amis. On se méfiait beaucoup dans la ville de ce "nouveau chrétien" si proche de ses frères. On commença par se moquer de lui, l'humilier puis lui faire mille et une misères, avant de lui nuire ouvertement. Lorsqu'il parvint à déjouer un complot qui visait à déguiser en crime rituel un meurtre, rien n'alla plus. Le coupable fut exécuté, et lui mis au ban parmi les Gentils. Sa maison fut assaillie, pillée, et il fut roué de coups. Sa côte n'était pas plus forte chez les Juifs. Il avait deux fils, Avraham et Ephraïm, attachés au judaïsme. Ils fréquentaient régulièrement la synagogue, où l'on prenait soin de ne faire aucune allusion à leur père. Pour ne pas les vexer, bien sûr, mais aussi pour ne pas avoir à prononcer le nom d'un impie. Tous s'en accommodaient de ce silence, sauf les "gabbaïm" (administrateurs de la synagogue). Il est en effet d'usage d'évoquer le nom de quelqu'un en le mentionnant "untel fils d'untel". Or comment pourraient ils appeler ces deux fils à la lecture de la Torah s'ils devaient prendre soin de ne pas mentionner leur père? Ils pouvaient certes se contenter d'appeler "Que vienne Avraham" "Que vienne Ephraïm" comme on le fait parfois pour des enfants de père inconnu… Le Rav n'était pas plus à l'aise sur la question. Il préférait les nommer selon l'usage "fils de Chnéour", mais c'était contraire à l'avis de deux grands décisionnaires, Rabbi Yéhouda Ha'Hassid et Rabbi Israël Isserlin. Il adressa la question à deux "géants" de l'érudition de son époque, le Rav Méïr de Padoue et le Rav Aharon HaLévy de Constantinople, l'auteur du "Zekan Aharon". Les deux érudits convinrent avec lui qu'on pouvait nommer les enfants du nom de leur père. Le Rav Méïr de Padoue rajouta que compte tenu des bonnes actions -par ailleurs- du père, il fallait veiller à ne pas lui fermer les portes de la synagogue, car à l'évidence cet homme n'avait pas réellement choisi le christianisme. Ce ne furent pas des années faciles pour Chnéour. Brisé moralement et blessé dans sa chair, il endura des années de souffrance et de regrets, en proie à l'hostilité des juifs et au mépris des chrétiens. Il dut déménager plusieurs fois pour échapper à la haine de ces derniers, mais fut toujours retrouvé, reconnu, montré du doigt. Ce n'est que ses dernières années, après le décès de sa femme non juive que les poursuites cessèrent. Sentant sa dernière heure venir, on était à la veille de Yom Kippour, il demanda à être transporté dans la grande synagogue de Bodon. La synagogue était pleine de fidèles réunis dans la ferveur des derniers instants qui précèdent le Kol Nidreï. L'entrée du vieillard sur une civière glaça d'effroi la communauté. D'une voix lente et sourde, il s'adressa au public: "Messieurs, mes frères, Assemblée d'Israël. Je tiens à confesser publiquement mes fautes. C'est vrai, j'ai fauté, j'ai éteint volontairement l'étincelle de l'âme juive qui m'a été donnée à ma naissance, j'ai renié le D.ieu d'Israël, le D.ieu de mes pères, celui qui nous a accompagnés depuis que le Peuple Juif est devenu un peuple, et a été à nos côtés en toutes circonstances. Mais si l'on dit que même à l'entrée de la tombe, la porte est ouverte au repentir, à plus forte raison pour celui qui a eu des regrets toute sa vie. Mes actions prouvent suffisamment mes intentions. Vous savez ce que j'ai entrepris pour le bien de la communauté. J'ai mis en péril mes biens, ma vie, pour vous sauver de l'exil et de la destruction. Mon Créateur sait ce que j'ai souffert dans mon corps, combien de larmes j'ai versées, combien de jeunes j'ai fait, combien de mortifications je me suis imposées pour pardonner la faute que j'ai commise en cédant aux passions de mon cœur et aux envies de mes yeux. Mes frères, participez à ma tristesse et implorez pour moi la miséricorde du D.ieu clément et patient qu'il pardonne à un pécheur comme moi qui revient de tout son cœur. Mes frères, je vous en supplie, veillez à ce que l'on dise Kaddich chaque année pour l'élévation de mon âme." L'assemblée était sidérée et certains versaient des larmes. Avant même que le 'Hazan ait le temps de commencer Kol Nidreï, Chnéour tint à marque l'acceptation de la Royauté Divine en s'écriant "Chéma Israël Ado-naï Elo-hènou Ado-naï E'had" et mourut devant toute l'assemblée. Emus, les membres de la communauté acceptèrent avec l'accord du Rav et des dirigeants de la ville que chaque année, à dater de ce Yom Kippour, on dirait Kaddich pour l'élévation de l'âme de Chnéour. De nombreuses années plus tard, lorsque l'auteur du "Chaaréi Ephraïm" prit la direction spirituelle de la communauté, il s'étonna de cet usage de réciter Kaddich juste avant le Kol Nidréï, et une fois mis au courant il prit ainsi la coutume d'étudier la Michna "Chivat Yamim kodem Yom Hakippourim" (sept jours avant Yom Kippour…) qui commence par la lettre Chin comme Chnéour, puis de réciter Kaddich.

Traduit de Otsar Ha'hag, Yom Kippour Mena'hem Mandel, Jérusalem 5745

La définition d'un Tsadik

Un des 'Hassidim du Rabbi Chalom Ber de Loubavitch était très riche mais était lui-même un juif simple. Le Rabbi lui manifestait une certaine proximité et il se permettait de poser des questions que personne d'autre n'aurait jamais osé poser. Il demanda une fois au Rabbi. "Qu'est ce qu'un Tsadik? Mais, s'il vous plait, ne me donnez pas une réponse inaccessible, mais répondez moi dans des termes simples que je puisse moi-même comprendre." Le Rabbi lui dit alors: "Un Tsadik, c'est quelqu'un qui pendant la prière d'un jour ordinaire ressent une.ferveur et un élan de Techouva comparable à ce que tu éprouves au moment de la prière de Neïla, à la conclusion deYom Kippour..."

Lu dans 'Il était un foi", 'Habad à Neuilly sur Seine, N° 108.


Kippour à Kouzhnits

Il était bien tard, à Kouzhnits, cette veille de Kippour. Les derniers rayons du soleil jouaient à cache cache sur le toit des maisons. Les derniers retardataires se pressaient dans les ruelles désertes de la ville, qui serrant sous le bras un livre de prières, qui tirant son enfant à grands pas. Par contraste, la synagogue ressemblait à une ruche. Ici on terminait d'enfiler le "kittel", robe blanche traditionnelle aux jours de Kippour évoquant un linceul. Ici quelques juifs se hâtaient de se vêtir du Talith avant la tombée de la nuit. Ailleurs, on lisait des Psaumes, d'autres récitaient le rituel de "vidouï", confessions, en se frappant la poitrine. D'autres attendaient tout simplement que le Rabbi commence le "Kol Nidréi", l'annulation des vœux envers D.ieu, vœux que l'on aurait pu prononcer sans trop y prêter garde. Mais contrairement à son habitude, le Rabbi tardait à entamer la prière. Debout à sa place au fond de la synagogue, près de l'Arche Sainte, le Rabbi restait immobile, entouré de son Talith qui en cachait le visage. La nuit était déjà tombée, que rien n'avait bougé. Un grand silence s'était installé dans la salle de prières, et des centaines de regard étaient tournés vers le Rabbi, attendant qu'il s'approche de l'Arche Sainte, l'ouvre et prenne le premier Sefer Torah pour commencer le "Kol Nidreï". Chacun fouille au fond de lui-même pour y chercher une faute, une demi-faute, un zeste de quelque chose qu'il n'aurait pas encore "nettoyé" avant Kippour, et que le Rabbi veut lui donner l'occasion de réparer avant le jour terrible. Mais le Rabbi ne bougeait pas. Les proches du Rabbi se tournèrent vers Reb Yéro'ham, le bedeau. Peut être sait il quelque chose de cet étrange imprévu. Reb Yéro'ham se fraye un chemin jusqu'à Rabbi Elyakim, le fils du Rabbi, et lui murmure quelque chose à l'oreille. "Non, non " comprennent tous les 'Hassidim à voir Rabbi Elyakim agiter sa tête. Non, il n'ira pas déranger son père, le Rabbi, dans ses saintes pensées. Deux heures se sont écoulées. Même les bougies commencent à fondre dans la chaleur de la synagogue. Les fidèles se serrent encore un peu plus pour apercevoir le Rabbi de dos. Ne dit on pas dans les livres de Kabbalah que le soir de Kol Nidreï les âmes se pressent dans la synagogue pour revenir demander pardon à D.ieu et chercher une réparation à leur vie terrestre? Tout à coup, le Rabbi se retourne vers l'Assemblée. Le visage pourpre, de la couleur du four le jour de la cuisson des Matsot. Les sourcils froncés, le visage sévère. - "Il y a-t-il ici un habitant de Filabvé?" Pas de réponse. - "Peut être l'un d'entre vous connaît cette ville?" Du fond de la salle de prières, une voix rompt le silence pour répondre au Rabbi. - "Saint Rabbi, j'habite un village près de Filabvé, et je connais bien cette vile car je m'y rends régulièrement pur y vendre les produits de ma ferme. - Connais tu le Comte Tchirinski et son chien? - Oui Rabbi je le connais lui et son énorme chien. - Peux tu raconter dans quelles circonstances le Comte a acheté ce chien? - Oui Rabbi, c'est une histoire qui a fait le tour de la ville et a fait causer bien du monde. Le Comte était parti une fois faire la fête dans une ville lointaine avec d'autres nobles, et il a gagné cette fois là au jeu des sommes très importantes. Avant de revenir, le Comte s'est acheté un chien, impressionnant tant pour sa taille que pour ses dents, pour la somme de 1800 roubles, une somme énorme! Et une fois rentré à la ville, il a fait construire une niche, un palais, pour ce chien, pour 200 roubles de plus! Vous comprenez que toute la ville en a jasé bien longtemps. - Et dis moi pourquoi il a chassé ce chien?" Les fidèles du Rabbi ne comprenaient pas du tout ce qui tracassait tant le Rabbi un soir de Kippour. Mais ils savaient que ce n'était pas une conversation de café, et que le Rabbi avait un but. - "Rabbi, le Comte apportait chaque jour à son chien une part de viande que n'aurait pas dédaigné une famille entière de paysans. Un jour le chien n'a pas attendu que le Comte dépose dans son écuelle sa part de viande, et a sauté pour la lui arracher des mains. Le Comte s'est mis en colère, et a fait détruire immédiatement la maison du chien, puis a chassé de son domaine son fidèle chien, sous une pluie de coups et d'injures." Le Rabbi s'était tu, enfoncé à nouveau dans ses pensées. - "As tu entendu, ange Michaël?" S'écria-t-il soudain, avant de saisir le Sefer Torah et entamer le Kol Nidréï.

A l'issue de Kippour, les proches du Rabbi le pressèrent d'expliquer ce qui s'était passé. "Une grande accusation pesait sur les Juifs. Les anges, là haut avaient du mal à la faire passer. La cause en était la suivante: un juif de là bas avait des difficultés à marier sa fille. Un pauvre homme, droit, discret, qui vivait modestement du travail de ses mains. De quoi manger un peu chaque jour, certes, mais pas de quoi marier sa fille. Il lui était difficile de supporter la souffrance morale de sa fille, ni les demandes pressantes de sa femme qui le suppliait d'aller quémander ses frères juifs dans les alentours pour réunir le nécessaire au mariage. Mais il lui était aussi difficile de se faire à l'idée qu'il faudrait tendre la main pour cela. N'ayant pas d'autre horizon que celui ci, il finit mettre Talith et Téfilin dans un grand sac et se mit en chemin. C'est ainsi qu'il arriva jusqu'à Filabvé. Avec un discours hésitant, il visita les riches bourgeois de la ville pour demander leur aide. Malheureusement, ces derniers ne daignèrent pas lui venir en aide, et au contraire l'enfoncèrent par des paroles acerbes. Couvert de honte, notre homme sortit de la ville et s'assit au bord de la route dans la forêt pour épancher son cœur devant D.ieu. C'est alors qu'il entendit le galop d'un attelage, et vit s'arrêter devant lui un splendide carrosse, dont le passager l'interpella. Rien de bon se dit il, car un noble polonais était capable de tout, et plus encore avec un juif… Il s'approcha en tremblant du carrosse. La voix aimable du Comte le rassura. - "Pourquoi pleures tu ainsi?" Il lui raconta ses mésaventures de la journée, lui parla de sa fille, de sa femme, de son travail… - "Et combien te faut il pour marier ta fille? Cent roubles?" Ne bouges pas. Le Comte sortit un carnet, où il griffonna quelques mots, déchira la feuille et la tendit à notre homme. - "Va en ville; donne ceci à Untel, et il te donnera cent roubles. Adieu mon ami" lui cria-t-il pendant que le cocher repartait. Voilà que les juifs se moquent de moi, et maintenant même les polonais s'y mettent, se dit il, poursuivant sa route pour quitter cette ville malheureuse. Arrivé le soir dans une auberge, il conta à l'aubergiste ses malheurs, et sa rencontre bizarre avec un inconnu prêt à se payer sa tête pour cent roubles. - "Montres moi la feuille? Mais, c'est la signature du Comte Tchirinski! Ce papier vaut vraiment cent roubles, retourne vite en ville!" Comme le juif ne semblait pas convaincu, l'aubergiste s'installa avec lui sur sa charrette, et l'emmena en ville. Quelques jours plus tard on célébrait le mariage de la jeune fille. Un superbe mariage, de cent roubles.

Le Rabbi poursuivit: Il y eut dans le ciel une terrible accusation contre les juifs de la ville. C'est le bon cœur de ce noble qui avait sauvé cette famille, alors que ses frères juifs l'avaient rejetée, humiliée, méprisée. D'un geste, il avait permis ce que des dizaines de juifs avaient refusé à cet homme. En cette veille de Kippour, l'ange chargé de ramasser les fautes des juifs et de les présenter devant le Tribunal Céleste avait de quoi se réjouir. Les bons anges chargés de la défense du Peuple Juif eurent beau tenter de lui arracher sa trouvaille, de la minimiser, rien n'y faisait. C'est alors que je me suis souvenu avoir entendu une histoire sur ce Comte et son chien, et que j'ai demandé à un des fidèles de m'en conter les détails, pour bien prouver que ce n'est pas par bonté que cet homme a offert cent roubles à ce pauvre juif. S'il est capable de dépenser 2000 roubles pour un chien, et de les perdre sur un coup de tête ou d'orgueil, parce que ce chien ne respecte pas les bonnes manières, cela montre qu'il n'apporte aucune considération à l'argent, et qu'il peut aussi bien le gaspiller pour ceci que pour cela. Ce n'est pas de la bonté, c'est de l'inconscience! Vous comprenez qu'avec cette histoire là, l'Ange Michaël a vite fait de faire taire les accusations là haut."

Traduit de Otsar Ha'hag, Yom Kippour Mena'hem Mandel, Jérusalem 5745


Cellule Kippour!

Le camp de travail de Dwinska, sur le Don, dans le Nord de la Russie, comptait surtout des jeunes gens et jeunes filles, quelques familles et leurs enfants. Tous étaient juifs, réfugiés de la Pologne que l'Allemagne venait d'envahir, et que le gouvernement communiste avait parqué là pour les beoins de l'industrie de la "patrie communiste". Deux de ces familles gardaient une cuisine cachère st s'efforçaient dans la mesure du possible de respecter Chabbath: la famille de Reb Mordekhaï, originaire d'un village près de Lomzhe, et la famille de Reb Yaacov, originaire de la banlieue de Varsovie. A l'approche des fêtes, Reb Mordekhaï et Reb Yaacov commencèrent à se demander si l'on pourrait organiser un Minyan pour les jours de fêtes, Roch Hachanah et Kippour. Reb Mordekhaï était un homme qui en imposait. Il était respecté de tout son entourage, et ce n'est pas pour rien que l'intelligentsia du camp, médecins, ingénieurs, artistes ou enseignants, se réunissait régulièrement dans sa chambre, dans la baraque 3, pour refaire le monde dont ils étaient exclus, envisager la fin de la guerre, en choisir le vainqueur… C'est un de ces soirs qu'il choisit de sonder ses amis, pour savoir avec qui il serait susceptible de "faire Minyan" le soir de Roch Hachanah et de Kippour, après leur journée de travail. A vrai dire, la plupart de ses 300 compagnons de captivité étaient de familles assimilées. Une cinquantaine d'entre eux étaient des membres du mouvement communiste en Pologne. Certains avaient même fait de la prison pour cela. Lors du partage de la Pologne, ils avaient cru bon de s'enfuir en Russie, de rejoindre les jeunesses communistes, et avaient été envoyés dans les mines de charbon ou dans les équipes de travail au fond des forêts. Ayant goûté le paradis policier russe, ils avaient tenté de regagner la Pologne sous la botte nazie, et avaient été rattrapés par la police, puis condamnés aux travaux forcés à Dwinska. Un public peu enclin à participer à une activité religieuse, par nonchalance, par peur d'être attrapé, ou pour des raisons idéologiques comme ce fut le cas du groupe communiste. Malgré tout, Reb Mordekhaï réussit à réunir son Minyan. La veille de Roch Hachanah, au retour des équipes de travail, une quinzaine d'hommes se réunirent dans une petite pièce à peine éclairée, afin que personne ne devine ce qui s'y passait. Il n'y avait que deux livres de prières. Reb Yaacov, enveloppé de son Talith commença à prier mot à mot, tandis que les autres répétaient après lui. Comme ils ne pourraient pas prier le lendemain avant le retour du travail, la nuit, ils prièrent dans la foulée les offices du matin et de Moussaf, et se séparèrent au milieu de la nuit en se souhaitant l'un l'autre une bonne année, avant d'aller se coucher. Le lendemain soir, de nombreux prisonniers se joignirent à eux, et quelques femmes vinrent écouter les prières. Ils étaient près d'une centaine à la fin des offices, priant, pleurant, se congratulant. C'est alors que le bruit courut que le chef du NKVD s'approchait, avec son adjoint Molonko. Ceux qui avaient un Talith se pressèrent de l'ôter, et la foule se dispersa en un rien de temps. Le lendemain matin, le chef de camp ordonna une enquête sur la "cérémonie religieuse de Roch Hachanah". Il convoqua à l'aveuglette des prisonniers pour leur faire avouer leur participation et savoir qui avait organisé cette manifestation contre révolutionnaire. Bien sûr, aucun n'avait assisté à l'office et aucun ne savait qui pouvait avoir "commis" ceci. Mais Bougachvili, c'était son nom, ne s'arrêta pas là, et somma quelques prisonniers de lui remettre la liste des organisateurs sous quelques jours, sinon … L'épreuve était trop dure, et Reb Mordekhaï fut dénoncé. Le Chabbath suivant, un surveillant vint convoquer Reb Mordekhaï chez Bougachvili. Reb Mordekhaï, qui avait plus de soixante ans, était dispensé de travail, et le surveillant le trouva vêtu de son Talith, penché sur un livre de Psaumes, lisant mot à mot des louanges à D.ieu que sa femme répétait mot à mot après lui. Le jeune Ukrainien, qui voyait pour la première fois un juif vêtu d'un Talith et en prières resta un long moment sur le pas de la porte, le regard allant de Reb Mordekhaï à sa femme, sans pouvoir prononcer un mot. Lorsqu'il se fut repris, il s'approcha de Reb Mordekhaï et lui fit part de la convocation chez le chef de camp. Lorsqu'il arriva chez Bougachvili, celui ci était rouge de colère. Après une bordée de jurons, il se mit à hurler: "alors c'est vrai que tu organise ici des prières?" Effectivement, répondit Reb Mordekhaï, avec assurance. Et tu ne sais pas qu'il est interdit de tenir réunion dans l'enceinte du camp? Tu es un contre révolutionnaire, un rebelle, un fasciste. Tu complotes contre l'état. Tu seras pendu, toi et les types de ton espèce! Reb Mordekhaï se tut, ce qui mit en fureur Bougachvili, qui cracha une fois de plus son répertoire d'insultes, sommant Reb Mordekhaï de se justifier. Quand Bougachvili retrouva ses esprits, Reb Mordekhaï se mit en devoir de lui expliquer ce qu'était Roch Hachanah, que la prière n'était pas une affaire politique, que l'on priait pour le bien du monde entier … mais Bougachvili ne lui laissa pas le temps de terminer. En Russie, il est interdit de pratiquer un culte. Point. Et encore plus dans un camp de prisonniers. C'est de la subversion contre révolutionnaire. Bougachvili rédigea un protocole de plusieurs pages, et ordonna à Reb Mordekhaï de le signer. Reb Mordekhaï refusa: je ne signerai pas Chabbath! Le commandant tapa du pied et réitéra son ordre: signer de suite, sous peine d'abréger la procédure avec un coup de pistolet. Il se mit à hurler de plus belle, et frappa Reb Mordekhaï au visage. Mais ceci ne changea rien: Reb Mordekhaï refusa de signer. Bougachvili fit chercher les trois filles de Reb Mordekhaï, pour qu'elles fassent comprendre à leur père dans quel monde il se trouvait. Sans quoi il exilerait leur père dans un endroit d'où on ne revient pas, et séparerait les trois jeunes filles dans des camps différents. Rien n'y fit, et ils furent tous les quatre enfermés dans une cellule de garde à vue. Pendant ce temps la nouvelle de l'arrestation de Reb Mordekhaï s'était répandue dans tout le camp. Les uns proposaient de manifester devant la commanderie du camp, les autres estimaient que cela ne se fait pas en Russie. La tension montait. A la fin de Chabbath, Bougachvili fit libérer Reb Mordekhaï pour lui faire signer le protocole. Reb Mordekhaï lut avec attention le document. Il y était mentionné qu'il reconnaissait avoir organisé une manifestation religieuse dirigée contre le gouvernement... et qu'il s'engageait à ne pas recommencer. Une seconde fois, Reb Mordekhaï refusa de signer. Il était prêt à signer qu'il n'organiserait plus d'office religieux, mais pas à dire qu'il l'avait dirigé contre le gouvernement. Il fallut à nouveau une longue négociation pour que … Bougachvili se rendit aux arguments de Reb Mordekhaï. Il déchira le protocole et se suffit de la promesse de Reb Mordekhaï de ne pas organiser de manifestation religieuse à l'avenir. Il était d'ailleurs persuadé d'avoir gagné, et félicita paternellement Reb Mordekhaï pour la constance de ses positions, et lui recommanda de tenir promesse. Lorsque Reb Mordekhaï et ses filles quittèrent la commanderie, ils furent accueillis par les soupirs de soulagement de tous leurs amis qui les pressèrent de question. Mais Molonko mit bon ordre à ceci et leur ordonna de rentrer chez eux sans parler à qui que ce soit. Le lendemain, tout le monde savait ce qui s'était passé minute après minute dans le bureau de Bougachvili. Reb Mordekhaï était devenu un héros. Un homme fut particulièrement intéressé par cette affaire. Ludwig Galant était originaire de Varsovie. Il y avait été un des chefs du mouvement communiste, et était ici considéré comme la tête pensante du groupe communiste. Il s'était naturellement opposé avant Roch Hachanah à la constitution d'un Minyan. Mais cette fois, il déclara à Reb Mordekhaï qu'il fallait organiser un Minyan pour Kol Nidréi au nez et à la barbe des agents du NKVD! Reb Mordekhaï l'assura de son aide, mais il ne pourrait pas organiser lui-même ceci, conformément à son engagement. "Mais si tu veux organiser toi-même le Minyan, sois béni, je suis entièrement avec toi, et je ne crains pas de m'y associer. Mais tu te doute que ce soir là, Bougachvili et ses sbires vont redoubler d'attention pour traquer la moindre velléité de prier." Ludwig proposa que l'office se passe dans le vestiaire des douches du camp, dans la chaufferie où on laisse les vêtements sécher après une journée de travail sous la pluie. La salle est grande, ouverte toute la nuit et toujours éclairée. Personne ne songerait que les prisonniers peuvent s'y cacher pour prier. Il fut convenu de commencer en pleine nuit, puisque les agents du NKVD inspecteraient surtout à la tombée de la nuit, lorsque Kippour commence, et non en pleine nuit. Il fallait ensuite que Ludwig cherche des hommes intéressés à prier ce soir là, discrets, des hommes de toute confiance. Il fallait aussi trouver des gardiens, qui guetteraient à l'extérieur et assureraient la sécurité des fidèles. Ludwig était là dans son élément. Assurer un office de Minyan avec la rigueur para militaire des actions qu'il avait menées à Varsovie pour les cellules communistes était pour lui de la routine! A la différence qu'à l'époque il travaillait contre le régime capitaliste sur les ordres venus de la patrie communiste, et maintenant il travaillait contre le régime communiste abhorré, et pour la cause d'un judaïsme millénaire dont il s'était rapproché. Avec deux autres vétérans de l'action secrète de Varsovie, il peaufina les détails de ce nouveau complot. Alors que dans le camp le moral des prisonniers était au plus bas après la mise en échec du Minyan de Roch Hachanah, seuls 25 hommes, triés sur le volet, étaient au courant du complot ourdi par Ludwig: quinze d'entre eux avaient participé à l'office de Roch Hachanah, et une dizaine d'entre les intellectuels du camp qui avaient manifesté l'envie de s'associer au Minyan, une fois que le Minyan était devenu un acte d'opposition. Autour d'eux, quelques routiers du groupe communiste veilleraient à la sécurité. La veille de Kippour, malgré tous les efforts, il fut impossible de regagner le camp avant la tombée de la nuit. En silence, les juifs rentrèrent dans leurs chambres, sans s'attabler au réfectoire comme après chaque jour de travail, à la surprise des gardiens du camp. Les policiers du NKVD étaient partout, inspectant chaque chambre et vérifiant que chacun était présent. Ceux qui n'étaient pas au courant de l'existence d'un Minyan s'en furent se coucher, le cœur pincé en pensant aux jours d'autrefois. Peu à peu les lumières s'étinrent, et les policiers cessèrent leur ronde. A dix heures du soir, Ludwig et ses deux aides commencèrent discrètement à rassembler les participants dans le vestiaire Reb Yaacov revêtit son kittel blanc et son Talith, et commença le Kol Nidréi. Reb Mordekhaï se tenait à sa droite, et Mottle Glickman de Lodz se tenait à sa gauche. Cette fois ci, personne ne pleura ni soupira. Ils étaient plutôt fiers d'avoir gagné cette bataille contre l'oppression communiste, et savouraient leur victoire. Reb Yaacov disait mot à mot et à voix basse les mots de la prière, et tous répétaient. Lorsqu'il arriva au passage "avec la permission du Tout Puissant … nous permettons de prier avec ceux qui ont transgressé la Loi…", Ludwig rougit. Comme si la prière avait été rédigée pour cette occasion. C'était la première fois qu'il participait à un office de Kippour depuis son enfance. Dans son esprit remontèrent toutes sortes de souvenir: es années de prison, la lutte contre la religion, l'action secrète, son enfance, la synagogue du quartier, l'officiant vêtu de blanc, la mélodie inoubliable du Kol Nidréi. Toute la nuit, ils prièrent. A l'office du soir succéda l'office du matin, en pleine nuit, puis des Psaumes. A cinq heures du matin, la sirène du camp, celle qui signifie l'heure du lever, les rappela à la dure réalité. Tous jeûnèrent ce jour là, et parmi eux 25 hommes partirent emplis de joie, de la sainteté de ce Jour de Kippour qu'ils avaient puisée tout au long de la nuit.

Adapté de Otsar Ha'hag – Kippour.


Remboursé le jour de Kippour.

Un pauvre de passage fut un Chabbath invité à la table d'un riche bourgeois. Au cours du repas de Chabbath, le maître de maison ne manqua pas de faire un commentaire sur un passage de la Torah, puis ses gendres et tous les invités prirent également la parole pour dire des mots de Torah. Lorsque le pauvre fut invité à prendre la parole, il déclara qu'il ne savait pas commenter la Torah. Lorsque les invités s'en furent chacun dans sa chambre pour se reposer, un des gendres tança vertement notre invité. "Comment est ce possible que tu ne saches pas un mot de Torah? Tu n'es qu'un ignorant, un pauvre type, un pauvre à la mesure de ta pauvreté d'esprit …" et encore bien d'autres choses encore moins agréables, qui mirent l'invité hors de lui. Excédé, il se tourna vers son interlocuteur: "De quel droit me parles tu avec tant d'assurance et d'orgueil? Tu seras rabbin dans un petit village à deux pièces par semaine, et tu te gonfles à ce point?" La fureur du gendre redoubla. Lui, de bonne famille, gendre d'un richissime commerçant, entretenu par son beau-père et son père pour pouvoir s'adonner sans limite à l'étude de la Sainte Torah, lui qui n'avait pas du tout l'intention d'abandonner l'étude pour être rabbin dans une communauté, voilà qu'un miséreux lui prédisait un avenir des plus sombres!? Il cria de plus fort, au point que le maître de maison sortit de sa chambre pour s'enquérir de ce qui se tramait. "Que signifie ce langage, mon ami?" Le pauvre se rassit et invita les présents à faire de même. "Je vais vous raconter mon histoire. Je ne suis qu'un simple tailleur, d'un petit village lointain. J'ai longtemps vécu du travail de mes mains, en allant de village en village, de château en château, là où mon travail était apprécié. Un jour, un châtelain me demanda de préparer des livrées pour tous ses nombreux serviteurs, qu'il voulait tous habillés d'un même uniforme. Après avoir calculé le nombre de vêtements à préparer, le métrage de tissu, les journées de travail et mon salaire, j'acceptais sa proposition. C'était une véritable aubaine, d'autant que ce noble me connaissait pour des services rendus par le passé, et me faisait entièrement confiance. Muni des sommes nécessaires, je me rendis en ville pour acquérir les étoffes, les galons, fils et boutons nécessaires. Arrivé en ville, j'eus la désagréable surprise d'assister à un spectacle des plus infâmes. On menait au travers de la ville une famille entière, pour les jeter aux oubliettes. Ils n'avaient pas payé le loyer de leur auberge au seigneur local, et il les faisait jeter au fond d'une fosse du château, où ils allaient mourir de faim et de froid. J'eus pitié de cette malheureuse famille, et questionnai les sbires. Ils devaient au seigneur exactement la somme que j'avais en poche pour faire mes achats. Une somme rondelette, mais que je n'hésitai pas à verser pour libérer cette famille du malheur qui les attendait. Le chef de famille vint me remercier. "Pour ce que tu as fait, je ne peux pas te rembourser dans ce monde, mais saches que tu seras remboursé dans le monde futur. Une promesse bien gentille, anodine presque, mais j'appris par la suite que cet homme était un Tsaddik, un de ces 36 Justes dont le mérite sauve sa génération. De retour au château, je dus raconter que des bandits m'avaient détroussé, et le châtelain me fit remettre la même somme pour que je puisse acheter tout le nécessaire. Je pus ainsi faire le travail convenu avec lui, puis rejoindre mon village. Dans notre village nous étions pratiquement les seuls juifs. Pour les fêtes de Tichri, moi et ma femme avions l'habitude de nous rendre dans une grande ville, pour passer les fêtes dans une communauté juive. La veille de Yom Kippour, j'ai toujours eu l'habitude d'arriver de bonne heure à la synagogue. En quelque sorte pour "rembourser" les heures de présence dans une synagogue qui me manquent tout au long de l'année. Cette année là, je fis de même, et m'installai près de la porte, enveloppé dans mon Talith, et commençai à lire des Psaumes en attendant que l'on commence Kol Nidréï. Et il apparut devant moi. L'homme que j'avais sauvé, habillé dans des vêtements qui laissaient comprendre qu'il avait quitté ce monde, se mit à côté de moi. "Je suis venu te récompenser pour ce que tu as fait pour nous. Je vais t'expliquer ce qu'est Yom Kippour, ce que cela signifie dans le monde d'en haut." Il me parla de Kol Nidréï tel qu'on l'explique là haut, des Psaumes que l'on lit en pleurant toute la nuit, de la longue confession de Kippour, du Service du Grand Prêtre dans le Temple, des prières qui le remplacent dans nos synagogues. De la Néïlah, lorsque toutes les portes du Ciel s'ouvrent pour recevoir les supplications du Peuple Juif. Tout ceci prit beaucoup de temps, et lorsqu'il termina, il me dit "ceci, c'est ce qui se passe dans le monde de "Assiya" spirituelle (le monde de l'Action spirituelle!). Et il reprit toute la description de Kippour dans le monde de "Bériyah" puis dans le monde de "Yétsirah" puis … Tout ceci m'avait mis dans un état émotif très fort, bien que je ne comprenais rien à toutes ces choses. Les larmes coulaient de mes yeux fermés. J'étais là et je pleurais. Puis je sentis que l'on me bousculait de tous les côtés. Il était clair que toute la communauté venait d'arriver et comme je n'étais pas de la ville, je me poussais à chaque mouvement de foule pour être certain de ne pas occuper la place d'un des fidèles de la "schule". Et je continuais à pleurer en pensant à tout ce que je venais d'entendre. Jusqu'au moment où j'entendis des autres pleurs. "Ce n'est pas parce que je suis le Chamach (bedeau) que je dois t'attendre pour aller manger…." J'ouvris les yeux. La salle était vide, les fidèles qui me bousculaient tout à l'heure étaient déjà rentrés chez eux: Yom Kippour était terminé! La vision était terminée. Avant de me quitter, le Tsaddik m'avait glissé "Tout ceci n'est qu'un début. Va chez le 'Hozé de Lublin (le "Voyant" de Lublin) pour recevoir la suite. Vous dire à quel point j'étais perturbé? Sûr que ce qui m'arrivait passait au-dessus de la tête de l'homme simple que j'étais. J'étais comme écrasé par le poids d'une telle révélation qui était bien au-delà de mes capacités spirituelles. Arrivé à l'auberge j'eus bien de la peine à manger le repas que ma femme avait préparé. Juste une idée fixe me revenait: aller à Lublin, aller à Lublin. Et je partis pour Lublin. Le 'Hozé savait déjà tout lorsque j'arrivai devant lui. "Puisque tu n'es pas encore prêt à tout recevoir, tu vas rester avec moi pour l'instant. Ta préparation sera de prier mot à mot avec moi dans mon livre de prières pendant toute une année." Et pendant toute l'année, je priai mot à mot avec le Rabbi. Au bout d'un an, le Rabbi me dit "Pars en exil pour trois ans!". Avant mon départ, le Rabbi me fit un cadeau. Chaque homme que je verrai, je le percevrai dans toutes ses dimensions depuis sa naissance jusqu'à son dernier souffle. Je suis actuellement dans ces pérégrinations d'exil, et je vois sur ton gendre qu'il sera rabbin dans un petit village à deux dinars par semaine".

Par la suite, le riche perdit toute sa fortune. Son gendre fut forcé de chercher un emploi, et se résigna à l'idée de prendre une charge rabbinique. Lorsqu'on lui proposa un poste à trois dinars la semaine ou un poste à deux dinars la semaine, il choisit le poste à deux dinars la semaine, comme il l'avait entendu de la bouche de ce saint homme…

Traduit de "Chemouot VeSippourim" Vol 1 Rav Raphaël Na'hman Kahn


"Repens-toi-un-jour"

Ils étaient bien peu à connaître son vrai nom. C'était un vieillard frêle, vêtu d'habits usés et délavés à faire pâlir d'envie plus d'un jeune d'aujourd'hui. Il vivait tranquillement sa vie, à l'écart de tout et de tous. Il ouvrait rarement la bouche, et lorsqu'il officiait deux fois par an pour l'anniversaire du décès de ses parents, sa voix douce et profonde surprenait tout le monde. Les premiers fidèles le trouvaient tôt matin assis sur son banc, vêtu de son Talith et ses Téfilin, attendant le premier office du lever du soleil, et les retardataires du soir le laissaient penchés sur un livre. Nul ne savait si cet homme dormait … Sa maison? une petite pièce perdue au fond de la ruelle des tailleurs. Les bonnes âmes lui glissaient dans la poche ou sous la porte quelques pièces, et des mères de famille lui faisaient porter régulièrement quelques plats cuisinés. Tous l'appelaient "Chouvyomé'had" contraction de "Chouv Yom E'had lifné mitatekha", repens toi un jour avant ta mort (Pirkei Avoth). Toutes les questions qui couraient sur la vie du personnage, son passé mystérieux, et plus encore, le secret de son curieux sobriquet: "Repens-toi-un-jour", ne l'empêchaient pas de faire partie du paysage de la ville, et depuis longtemps. La nouvelle fit le tour de la ville: "Repens-toi-un-jour" est mort! Toutes sortes de rumeurs sur le personnage émergèrent, comme si les 96 années passées sur la terre n'avaient pas suffi aux gens pour le connaître. On en faisait un des 36 Justes, un converti … Lorsque le Rav convoqua la communauté à s'associer aux funérailles de "Repens-toi-un-jour", on n'en savait toujours pas plus. Dans son oraison, le Rav leva une partie du voile: "Le défunt vit dans notre ville depuis maintenant 40 ans. Voici ce que m'en a raconté mon prédécesseur qui a quitté la ville depuis 25 ans. Son vrai nom est Shraga Feivish fils de Yéhoudah Leïb, de Pologne. Shraga Feivish était encore un jeune homme lorsqu'il a décidé un jour que son village était trop petit pour lui et que le Shtibel (Maison d'étude) de son enfance ne lui apportait pas tout ce dont il avait besoin. Il devint un grand commerçant dans une vraie ville, et y connut une réussite à la mesure de ses ambitions. Il connut aussi la réalisation du verset "Yechouroun a engraissé et a rué dans les brancards". Un appauvrissement spirituel à la mesure de son enrichissement soudain. Il quitta le caftan pour un costume à la mode, oublia barbe et péoth, pour en arriver à changer de nom et jouir sans limite de tous les plaisirs de ce monde. C'est avec un profond mépris qu'il jetait un regard sur son passé, sur ses amis restés au village, heureux qu'il était d'avoir su trouver "son" chemin dans la vie. Au cours d'un de ses voyages, Shraga Feivish arriva dans une auberge de notre ville. Au matin il ressentit une grande fièvre et décida de rester en ville. Sa situation empira vite et le médecin ne put rien y faire. Shraga Feivish sentit qu'il n'en avait plus pour longtemps, et fit appeler le Rabbin, mon prédécesseur. A grand peine, il parvint à se nommer, indiquer sa ville de naissance où il avait laissé ses parents à leurs souffrances. Il raconta sa fuite, sa vie débridée. Le Rav l'écouta avec bienveillance, et lui glissa à l'oreille: Nos Sages ont ordonné "Chouv Yom E'had lifné mitatyekha", repens-toi un jour avant ta mort. Ceci veut dire qu'un homme doit se repentir chaque jour, car demain peut être son dernier jour, et il ne faut pas mourir sans s'être repenti. Que lui adviendra-t-il s'il meure sans Techouva? Nos Sages ont également enseigné "celui qui vient pour se purifier, on l'aide à se purifier". Et si un homme décide fermement qu'il veut revenir dans les chemins de D.ieu, du Ciel on lui en donne les forces et même on lui rajoute encore des jours et des années à sa vie. Prends une bonne décision, et peut être du Ciel on te prendra en pitié." Personne ne sait ce qui s'est passé ensuite dans la tête de Shraga Feivish. Toujours est il que de cet instant là, ses forces lui revinrent. Il n'est jamais retourné dans sa ville, ni vers la "famille" qu'il y avait laissée. Il est resté dans notre ville, et y a passé tout le reste de sa vie. Sa vie montre qu'il a suivi les conseils du Rav, et a choisi le chemin d'une vraie repentance. Cette histoire que tous connaissaient il y a quarante ans s'est oubliée au fil des ans et des générations, et il n'en est resté que le surnom de "Chouvyomé'had, Repens-toi-un-jour". Il semble que ce matin la Techouva de Reb Shraga Feivish a atteint sa perfection, et il a été rappelé au Tribunal Céleste. Souvenons-nous de la parole de nos Sages: "Là où les repentis se tiennent, même un Juste parfait ne peut se tenir"

Traduit de Si'hat Hachavoua N° 921, Elloul 5764.

Un doute le jour de Kippour

Reb Mendel Futerfas, arrêté et envoyé aux travaux forcés par le régime soviétique (vers 1946) pour crime de diffusion du judaïsme, raconte.

Il m'arriva de passer plus d'une fois Kippour dans un camp. Une fois, alors que je récitais le passage "Vekhol maaminim …" (et tous croient vraiment …), du rituel de Moussaf, je fus saisi d'un doute. Est ce possible que toutes les créatures croient vraiment? Qu'en a fait ce maudit régime communiste? Et ces membres de la section juive du parti communiste, acharnés à nous poursuivre et à ôter tout souvenir de la foi juive, peuvent être ils des croyants? Et ce malabar grossier allongé sur la couche voisine, peut on dire de lui qu'il croit vraiment en D.ieu? Je dus lutter de toutes mes forces pour ôter de moi un tel doute.Comment douter de ce qui est écrit dans le livres de prières, ce sont forcément des vérités absolues! Quelques semaines plus tard, j'eus une réponse époustouflante à ma question. Le grand escogriffe s'approcha de moi. "T'es juif?!?" Je lui fis signe que oui. "Tu veux que je te dise? Moi aussi je suis juif. Cette année, pour la première fois de ma vie, dans la prison, j'ai jeûné. J'ai même prié. Je ne connais pas un mot d'hébreu, et même mon père est le fruit de l'éducation communiste laïque, et ne nous a jamais enseigné quoi que ce soit du judaïsme. Mais mon grand père m'avait appris quand j'étais tout petit le "Modé Ani". Crois moi, Mendel, j'ai passé toute la journée à jeûner et à répéter "Modé Ani"."

Ce fut la réponse du ciel à ma question de ce Yom Kippour, conclut Reb Mendel. Cet homme, aussi loin soit il du judaïsme avait passé sa journée à affirmer qu'il reconnaît D.ieu comme Maître de l'univers: "Modé Ani: Je reconnais devant Toi, Roi Vivant et Eternel que tu mets en moi cette âme"

Extrait du site de Aharon ALTABE

Ani Maamin

Il chantait dans le train

Reb Azriel David Fastag était un simple commerçant qui gagnait péniblement sa vie grâce à un petit magasin de vêtements à Varsovie. Mais il était connu pour bien autre chose: sa voix exceptionnelle et les Nigounim, les mélodies émouvantes, qu’il composait pour les jours de fête. C’était lui qui conduisait la prière dans la synagogue tandis que ses frères l’accompagnaient en chœur. Nombreux étaient les fidèles qui étaient prêts à marcher des kilomètres pour participer à sa prière tant sa voix claire et émouvante affectait tous ceux qui l’entendaient. Même son Rabbi, Rabbi Chaoul Yedidya Elazar de Modzitz appréciait tout particulièrement ses Nigounim et, chaque fois que Reb Azriel David venait avec un nouveau Nigoun, c’était un jour de fête pour le Rabbi. De sombres nuages s’amoncelaient sur le judaïsme européen. Malgré les terribles décrets, l’étoile jaune, les ghettos, les humiliations et la faim, les Juifs ne pouvaient pas imaginer le sort terrible qui les attendait. Ce fut en pleine nuit, en 1942, qu'ils furent réveillés en sursaut; les hommes furent séparés de leurs épouses, les enfants de leurs parents. Les vieillards furent assassinés sur le champ, sous les yeux horrifiés de leurs proches tandis que des familles entières étaient poussées dans des wagons à bestiaux vers des endroits maudits où leur existence ne troublerait plus les Nazis: Auschwitz, Treblinka, Maidanek… Dans les trains bondés où macérait encore la saleté des animaux, sans lumière et sans eau, les détenus tentaient de respirer, de calmer les enfants, d’espérer encore malgré les cris et les pleurs.

Mais dans un wagon, un vieux Juif, aux habits rapiécés, le visage blanc comme la neige, demanda à son compagnon d’infortune de lui rappeler la mélodie de "Maré Cohen" que chantait le Rabbi de Modzitz à Yom Kippour. "Maintenant? Tout ce qui vous manque, c’est un Nigoun? " répondit l’autre avec un regard dur, persuadé que le ‘Hassid avait perdu la raison, ne se rendait pas compte de la situation. Mais Reb Azriel David Fastag ne prêtait plus attention ni à son voisin ni à personne d’autre. Il se voyait debout, près de son Rabbi à Yom Kippour et c’était lui qui conduisait la prière pour le Rabbi et tous les ‘Hassidim. Soudain devant ses yeux, il aperçut le livre ouvert à la page des "Treize Articles de la Foi" de Maïmonide; le douzième brillait en lettres de feu: "Ani Maamine Béémouna Chléma Beviat Hamachia’h; Veaf Al Pi Cheyitmaméa, Im Kol Zé A’haké Lo Bekhol Yom Chéyavo". "Je crois d’une foi parfaite dans la venue du Machia’h. Et même s’il venait à tarder, malgré cela, j’attendrai chaque jour qu’il vienne". Fermant les yeux, il médita ces mots et décida: "C’est maintenant, quand tout semble perdu, que la foi du Juif est mise à l’épreuve, c’est le moment de redire ces paroles! " Imperceptiblement, il répéta ces mots, encore et encore, sur une mélodie qu’il était en train d’inventer. Oui là, au milieu de la nuit et de la mort, parmi ses compagnons désespérés en route vers Treblinka, le ‘Hassid se transforma en une colonne de chant, tirant de ses poumons ensanglantés une force surhumaine pour chanter l’éternité du peuple juif. Il ne remarqua pas que le silence s’était installé dans le wagon, que des centaines d’oreilles l’écoutaient avec stupéfaction et que, petit à petit, d’autres voix se joignaient à la sienne, d’abord doucement puis de plus en plus fort. Comme s’il se réveillait d’un rêve, Reb Azriel David ouvrit les yeux: ils étaient rouges à force de retenir ses pleurs. D’une voix étranglée, il s’écria: "Je donnerai la moitié de mon Olam Haba, de mon monde futur à celui qui apportera mon Nigoun au Rabbi de Modzitz! " Un surprenant silence se fit dans le wagon. Deux jeunes gens s’avancèrent, promirent d’apporter le Nigoun au Rabbi, au péril de leur vie. L’un monta sur les épaules de l’autre, découvrit une petite ouverture, l’écarta et glissa la tête au-dehors: - Que vois-tu? lui demanda l’autre. - Je vois le ciel au-dessus de nous, les étoiles qui scintillent et la lune semble me regarder affectueusement. - Et qu’entends-tu? - J’entends, répondit l’homme, j’entends les anges du ciel qui chantent avec nous Ani Maamine et qui apportent ce Nigoun à travers les sept cieux jusqu’au Saint-Béni-soit-Il! " Encouragés par leurs compagnons d’infortune, les deux s’élancèrent par ce trou et sautèrent du train en marche. L’un succomba immédiatement à la chute. L’autre parvint à se relever et à s’échapper. Après la guerre, il finit par arriver en Terre Sainte et confia au fils du Rabbi à Tel-Aviv les notes qu’il avait retranscrites. Celles-ci furent envoyées par courrier à Rabbi Chaoul Yedidya Elazar qui, après avoir traversé toute l’U.R.S.S. jusqu’à Shangaï, était parvenu à New York. Quand il reçut ces notes et qu’on chanta devant le Rabbi le dernier Nigoun qu’avait composé Reb Azriel Zelig dans le train de la mort, le Rabbi déclara: "Quand ils ont chanté ce Nigoun, les piliers du monde ont tremblé. Maintenant D.ieu dit: "Chaque fois que les Juifs chanteront Ani Maamine, Je me souviendra des six millions de victimes et J’aurai pitié de Mon peuple". On raconte que le premier Yom Kippour où le Rabbi de Modzitz chanta Ani Maamine, des milliers de Juifs se trouvaient dans sa synagogue. Toute l’assemblée éclata en pleurs qui tombèrent comme de l’eau dans l’océan de larmes et de sang versés par le peuple juif. Le Nigoun se répandit dans toutes les communautés. "C’est avec ce Nigoun, dit Rabbi Chaoul Yedidya Elazar que les Juifs ont marché vers les chambres à gaz. C’est avec ce Nigoun qu’ils danseront à la rencontre du Machia’h! "

Publié par www.modzitz.org - Traduit à partir de "HaRakeves HaMisnaggenes - The Singing Train", de P. Flexer in M.S. Geshuri's Traduit par Feiga Lubecki Pour le Beth Loubavitch de Paris.

Le chant "Ani Maamin" désormais très connu peut être entendu sur le site http://www.modzitz.org/media/animaamin.ram, ou sans les paroles.


Témoignage visuel d'un citoyen romain

Le faste du Grand Prêtre lors des cérémonies de Kippour

Rabbi Chlomoh Ibn Warga (1460-1554) relate dans "Chevet Yehouda" les malheurs et misères arrivés aux Juifs dans les royaumes d'Espagne, du Portugal et Ottoman. Au Chapitre 64, (la 64ème persécution!), il relate les velléités de Alphonse le Pieux (??) de construire un Temple à l'exemple du Temple de Jérusalem, déclarant posséder des plans établis par Titus. C'est son conseiller Versores qui entreprit de l'en dissuader, devant la difficulté de l'entreprise. Et de citer à l'appui un document trouvé à Rome, établi par Marcus Consul romain, relatant en une dizaine de chapitre l'histoire et l'archéologie du Temple, les détails de sa construction, et deux détails du Culte tel que relaté par les Prêtres, car en tant que non Juif il n'avait pas le droit de s'y rendre. La première histoire est consacrée au Korban Pessa'h, la seconde aux préparatifs de Kippour. Lorsque le Roi eut pris connaissance de la magnificence du Temple, il fit persécuter les juifs pour ne pas avoir su garder une telle grandeur… Je ne sais pas identifier l'Alphonse en question: Espagne, Portugal? Deux seuls portent le nom de Alphonse le Sage. L'identification de ce roi permettrait de faire un bond de quelques dizaines d'années ou de un ou deux siècles en arrière, ce qui donne peut être encore plus de poids à ce témoignage. Le livre Chevet Yéhoudah a fait l'objet d'une revue critique (et fort critique) dans la REJ, Revue des Etudes Juives vol 24 de 1892. L'auteur semble situer le récit à l'époque Alphonse X le Sage, Roi 1252-1284.

La description du Korban Pessa'h sera rapportée à partir de la traduction de J. Kohn de TALELEI OROTH (Perles de rosée), Recueil de commentaires sur la Haggada de Pessa'h, par Yissakhar Dov Rubin, Editions EMOUNAH, Jérusalem


Ce texte relatif à Kippour est rapporté dans le Siddour Beth Yaacov de Rabbi Yaacov Emden (1697-1776) , à partir duquel nous avons fait la traduction.

Voici le témoignage visuel d'un citoyen romain sur le prestige du Grand Prêtre lors des cérémonies de Kippour.

La seconde partie de ce Culte, c'est l'arrivée du Grand Prêtre dans le Temple. Nul ne m'a expliqué ce qu'il y fait. Mais ils m'ont décrit les fastes de son arrivée et de son départ après la fête, et j'ai pu assister à une partie de ces scènes. J'ai d'ailleurs été très frappé par tant d'honneur, et j'ai béni celui qui a donné tant de son honneur à des créatures humaines. Set jours avant ce grand jour appelé Yom Kippour, qui est la plus grande de leurs solennités, on préparait dans la maison du Grand Prêtre des divans pour le Chef du Tribunal, le Recteur de l'Académie, le Grand Prêtre et son adjoint, et pour le Roi. Soixante dix fauteuils d'argent étaient préparés pour les soixante dix membres du Sanhédrin. Le Doyen des Prêtres se tenait debout devant le Grand Prêtre et lui adressait des paroles d'encouragement et d'avertissement. "Considères devant Qui tu vas te présenter. N'oublies pas que si tu n'es pas animé d'intentions pures, tu mourras immédiatement, et le Peuple tout entier perdra l'occasion d'être pardonné. Tous ont les yeux tournés vers toi. Tu dois inspecter tes actions, peut être il y a-il une faute, serait elle légère, que tu aies à réparer. Une seule faute peut faire perdre le mérite de plusieurs Mitsvoth, et ce compte est entre les mains de D.ieu. Prend également en considération la conduite des tes frères les Cohanim, et aide les à se purifier. Garde à l'esprit que tu vas te présenter devant le Roi des Rois des rois, assis sur le trône de la justice, et devant qui tout mal est exposé. Comment oser se présenter devant Lui accompagné de son ennemi? Et le Grand Prêtre de répondre qu'il a déjà fait cet examen de conscience, s'est repenti de tout ce qu'il estime avoir fauté. Il rassembla dans le Parvis du Temple ses frères les Prêtres, et leur a fait jurer au Nom de Celui qui y réside de signaler les fautes qu'ils ont pu voir chez autrui et de confesser leurs fautes, afin de donner à chacun une voie de repentance. Le Roi également parle au Grand Prêtre, et l'assure de toute la considération qu'il aura lorsqu'il sera sorti en paix du Saint des Saints. On annonçait ensuite à la foule restée dehors que le Grand Prêtre allait sortir rejoindre sa Loge dans le Temple, et tout le peuple se joignait à la procession. Un défilé ordonné ouvrait la marche, et j'ai pu y assister. Les personnages les plus importants marchaient le plus près du Grand Prêtre:

Tout d'abord les membres de la famille des Rois d'Israël, puis les descendants de la lignée de David, chacun selon un protocole précis, les uns derrière les autres. Un héraut proclamait "faites honneur à la Maison de David". Derrière eux suivaient les Lévites, pour lesquels on proclamait " faites honneur à la famille des Lévites". Ils étaient 36.000. Les Lévites étaient vêtus de soie bleue, tandis que les Prêtres, au nombre de 24.000, étaient vêtus de soie blanche. Suivaient les chœurs, puis les musiciens du Temple, les sonneurs de trompette, les huissiers du Temple, les préposés à la fabrication des encens, les préposés aux tentures, les gardiens, les officiers , les Kartophiles (?), tous les autres préposés aux Culte. Derrière eux, les 70 membres du Sanhédrin, puis cent officiers avec des baguettes d'argent à la main pour ouvrir la voie au Grand Prêtre. Le Grand Prêtre est suivi par les Anciens de la famille sacerdotale, marchant deux par deux. Les Chefs de l'Académie se tenaient là et lui disaient: Monseigneur le Grand Prêtre, rentres en paix, prie notre Créateur qu'Il nous laisse en vie pour nous consacrer à sa Torah. A l'entrée du Mont du Temple, on priait pour la pérennité de la Maison de David, de la famille sacerdotale et du Temple. Il y avait tant de monde que lorsque le Peuple répondait Amen les oiseaux en perdaient l'équilibre et tombaient au sol. Le Grand Prêtre s'inclinait devant la foule, et se séparait avec crainte en pleurant. Ses deux adjoints le menaient alors jusqu'à sa Loge, où il s'isolait de tous ses frères. Ceci, c'est lorsqu'il se rendait au Temple. Mais lorsqu'il en sortait, il y avait bien plus de faste: tous les habitants de Jérusalem allaient à sa rencontre, des torches de cire blanche à la main, revêtus de blanc. Toutes les fenêtres étaient parées de tenture, illuminées par des bougies. Des prêtres m'ont raconté qu'il arrivait souvent que le Grand Prêtre ne puisse regagner sa maison avant minuit, tant la foule se pressait vers lui. Même à jeun, aucun ne rentrait chez lui avant d'avoir tenté de se frayer un chemin jusqu'au Grand Prêtre pour embrasser ses mains. Il faisait le lendemain un grand banquet où étaient conviés ses proches et amis, et en faisait un jour de fête pour avoir eu le mérite d'être sorti en paix du Saint des Saints. IL faisait par la suite graver une plaque d'or, sur laquelle l'orfèvre écrivait "Moi, Untel le Grand Prêtre, fils de Untel le Grand Prêtre, j'ai servi comme Grand Prêtre dans ce saint endroit, devant Celui Qui y réside, en telle année de la Création. Que Celui qui m'a donné ce mérite donne ce mérite à mes enfants après moi de pratiquer le Culte devant D.ieu.

Ici s'arrête la description de ce citoyen romain, et je l'ai fait figurer ici pour que nous mesurions ce que nous avons perdu par nos fautes

Aharon ALTABE (Extrait de son site)