Histoires-4

Un article de Biographies.

Jump to: navigation, search

Sommaire

Chevat : Tou Bichvat

Tou bichvat: une grenade bien méritée

Notre histoire se passe il y a quelques cent cinquante ans.

A cette époque, le retour à Sion était avant tout un idéal de perfection dans le service de D.ieu, une phase élevée de l'accomplissement de soi.

Seules ou par dizaines, des familles quittaient qui l'Afrique du Nord ou l'Orient, qui les pays d'Europe de l'Est.

C'est de Pologne que part la famille Eisen, pour un long voyage qui dure de 10 à 18 mois, soit à pied, en charrette ou en bateau, au travers d'une Europe incertaine, où chaque jour d'un tel périple est une nouvelle épreuve.

Des livres entiers auraient pu être écrits par ces pionniers qui rejoignirent la Terre Promise depuis les disciples du Baal Chem Tov jusqu'à l'aube du 20ème siècle où s'organise la Alyah.


La famille Eisen avait du surmonter bien des difficultés avant d'arriver à bon port: maladies, formalités administratives, caprices des douaniers, auberges douteuses, compagnons de voyage indélicats, routes incertaines …

Mais tout ceci n'avait guère d'importance. Seul le but comptait.

Avec quelle émotion virent ils un beau matin le rivage de la Terre d’Israël!

Ils descendirent du bateau en tremblant. Ce n'était plus un rêve, mais une réalité.

Si embrasser le sol du Pays est aujourd'hui un cliché suranné, c'était pour eux le même geste qu'embrasser un Sefer Torah dans la synagogue.

"Que D.ieu fasse que nous soyons dignes de résider sur cette terre sainte" prièrent ils.

Mais le chemin continuait. Vers Jérusalem. Un voyage d'encore quelques jours dans des carrioles tirées par des chevaux et débordant de leurs bagages, à travers des chemins sinueux, de collines en montagnes. Mais ceci n'avait pas d'importance non plus: on arrivait enfin à Jérusalem.

Le désert splendide des collines du Judée leur offrit enfin son joyau: la ville sainte.

Ils furent accueillis à bras ouverts par la petite communauté de la ville , qui était pourtant à l'étroit dans ce quartier juif enserré par les murailles de Soliman.

Tout nouvel arrivant était alors un héros qui avait vaincu tant et tant d'épreuves, et de plus son arrivée venait vivifier la présence juive d'une communauté souvent mal aimée des sujets ottomans qui les avaient précédés.

La famille Eisen trouva rapidement de quoi être hébergée, et les repères d'une vie juive normale:

la synagogue, le Beth Hamidrach pour l'étude, le Héder pour les enfants, le chemin vers la maison du Rav. Tout leur souci était d'être à la hauteur de leur nouvelle vie.


Un matin, au marché, le père de famille fit l'acquisition d'une grenade, ce fruit légendaire mentionné dans la Torah comme une des douceurs du pays d’Israël.

Naturellement on garda le fruit pour le repas de Chabbat, où il serait consommé en l'honneur du Saint jour, avec la bénédiction "Ché'héyanou" qui vient remercier D.ieu sur les nouveautés de la saison ou de la vie.

La nouveauté serait pour eux totale, car ils n'avaient jamais consommé, ni même vu, de grenades auparavant.

Et quand de plus ce fruit signifiait la douceur du Pays et l'accomplissement d'un rêve millénaire …

Quelle excitation lorsque papa fendit le fruit au terme du repas de Chabbat et en tendit un quartier à chacun des membres de la famille.

Et quelle déception! Le fruit était amer, difficile à mâcher… Les Eisen étaient brisés. Ils n'arrivaient donc pas à percevoir les délices de la Terre d’Israël.

Ils n'étaient donc pas fait pour y vivre. Quelle faute n'avaient ils pas commise en s'aventurant dans ce pays qu'il faut avoir mérité! Si ce n'était Chabbat, ils seraient sûrement repartis le soir même, fuyant de honte et de tristesse.

Les fidèles de la petite synagogue ne manquèrent pas le lendemain de sentir la différence d'humeur du père Eisen.

Quel souci s'était donc abattu sur lui ce soir de Chabbat? Sûr qu'il manquait de tout, ou peut être avait-il quelque nostalgie de sa ville de Pologne?

Il fut bientôt forcé de passer aux aveux.

"Nous avons commis une erreur, nous ne sommes pas fait pour vivre ici, nous ne méritons en rien de partager votre sainte vie dans ce pays.

Il nous faudra repartir et expier dans un nouvel exil l'affront que nous avons fait à ce pays".

Ce langage étrange ne fit qu'exciter la compassion mais aussi la curiosité de ses nouveaux compagnons.

"Figurez vous qu'hier soir nous avons goûté pour la première fois de notre vie une grenade, ce fruit mentionné par la Torah parmi les sept fruits de la Terre d’Israël.

Nous n'y avons trouvé que de l'amertume au lieu du goût de Gan Eden que tous lui trouvent.

N'est ce pas la preuve flagrante que nous ne sommes pas dignes de vivre ici? La terre nous recrache et nous rejette vers l'exil car nous ne la méritons pas".

"- Dis moi, mon ami, comment avez vous consommé votre grenade?

- Comme tout fruit: nous avons jeté les pépins, et mangé la pulpe. Quelle question!"

L'assistance esquissa un sourire. On se fit un devoir de lui expliquer que la grenade offre ses grains, juteux et sucrés, et que la chair en est immangeable.

La famille fut rapidement réunie à nouveau autour d'une grenade dont ils purent apprécier le goût délicat.

Mais ils apprécièrent plus encore d'être à même de mesurer la douceur des fruits et du Pays d’Israël.


Aharon ALTABE - www.milah.fr


Tou bichvat: un jugement hâtif?

Un homme eut un jour une "chéélah", question de halakha, pour laquelle il il eut besoin de consulter un rabbin.

On lui conseilla tel rabbin. Lorsqu'il se présenta chez lui, il le trouva assis à découper des photos d'arbres et de plantes et composant un album de ses découpages.

Assurément ce n'était pas à un rabbin comme ça qu'on pouvait poser des questions sérieuses. N'avait il rien d'autre à faire que des découpages?

Ce n'est que plus tard qu'il apprit la parution d'un traité de halakha de cet éminent rabbin dont certains chapitres, illustrés, étaient consacrés aux arbres.

(Lu dans http://www.ohr.org.il/)

Aharon www.milah.fr


Tou bichvat: L'homme est un arbre des champs

Il arriva qu'une épidémie se déclencha dans la ville de Nadvorna, et les Services de l'Hygiène de la ville exigèrent un nettoyage complet de la ville et plus de propreté.

Lorsque la fête de Soukkot arriva, le Saint Rabbi Mordekhaï construisit cependant sa Soukka dans sa cour, sans se soucier des consignes données par le Gouverneur. A vrai dire, le Gouverneur de Nadvorna était un homme connu pour sa méchanceté et le peu d'estime qu'il avait pour les Juifs.

Dès qu'il apprit le méfait, le Gouverneur envoya un policier chez le Rabbi pour le sommer de "débarrasser sa cour" et se conformer au règlement d'hygiène de la ville.

Le Rav répondit tranquillement qu'il avait construit cette cabane pour qu'elle soit là, et non pas pour la détruire.

Rabbi Mordekhaï fut donc convoqué devant le Gouverneur, qui ne le somma de détruire sa Soukka, sous peine des pires sanctions. Le Rabbin réitéra tranquillement sa réponse, ce qui eut pour effet de plonger le Gouverneur dans une furie rare.

Et il conclut: "saches que le saint Rabbi Méïr de Primichlan était mon grand-oncle!"

"Mais qu'ai-je à faire de ton grand-oncle, moi je te somme de détruire ton cabanon immédiatement!"

"J'ai bien dit que Rabbi Méïr de Primichlan était mon grand-oncle, et si tu me laisses m'expliquer, tu comprendras pourquoi je le dis.

Il était une fois un prêtre qui avait dix beaux garçons, forts et bien portants. Il possédait une vaste demeure, et un grand parc orné d'arbres splendides dont les fleurs, les fruits et l'odeur ne pouvaient que réjouir D.ieu et les créatures.

Il lui vint un jour l'idée de créer un jardin botanique dans un coin du parc pour ajouter à la splendeur de son parc. Il fit donc arracher quelques arbres pour les besoins du jardin.

Peu après, son fils aîné tomba malade et malgré tous les efforts du prêtre et des nombreux médecins appelés, mourut rapidement. Un par uns, ses fils succombèrent dans des conditions identiques, sans que les médecins ne puissent faire quoi que ce soit.

Lorsque son dernier fils tomba également malade, médecins, guérisseurs et sorciers furent de peu d'utilité. Des proches lui conseillèrent de se tourner vers le Rabbi Méïr de Primichlan, dont la réputation de saint homme s'était étendue jusque chez les Gentils.

Ayant déjà tout essayé, le prêtre se résolut à consulter Rabbi Méïr. Il lui raconta son malheur, la mort successive de ses aines, la maladie incurable du cadet, son désespoir.

"Tu avais jadis un très beau jardin, mais tu l'as taillé pour y planter des fleurs. Ainsi D.ieu a taillé auprès de tes enfants, car l'Homme est un arbre des champs.

Mais puisque tu es venu me voir, et qu'il est encore temps, je m'engage à ce que ton cadet survive et guérisse rapidement, avec l'aide de D.ieu."

Le Rabbi pria pour la santé du petit et ses prières furent accueillies: le garçon grandit et devint un homme.

Et maintenant conclut le Rabbi de Nadvorna, saches que cet enfant, c'est toi.

Est ce là la seule gratitude que tu peux avoir envers mon grand-oncle à qui tu dois la vie?"

Le Gouverneur s'inclina devant Rabbi Mordekhaï.

"C'est vrai, je connaissais cette histoire, et je te supplie de me pardonner pour tout ce que j'ai pu faire aux Juifs. Construisez vos Cabanes en paix!"

A partir de ce jour là, le Gouverneur de Nadvorna devint le meilleur allié de la communauté juive dans toutes ses démarches.


Aharon www.milah.fr

L’arbre était témoin

La roue de la fortune avait malheureusement tourné pour Avraham, un Juif autrefois aisé de la ville marocaine de Rabat.

Il fut forcé de quitter sa maison et d’errer de ville en ville pour rechercher un travail qui lui permettrait de nourrir honorablement la grande famille qui dépendait de lui.

Il avait confiance en D.ieu; cependant il s’avérait difficile de "fabriquer le récipient" qui recueillerait la bénédiction divine. Enfin, au bout de plusieurs essais infructueux, Avraham finit par amasser une confortable somme d’argent. Maintenant il pouvait rentrer chez lui.

En route, il passa par la ville de Sali, non loin de Rabat. C’était vendredi après-midi, il pensa donc qu’il valait mieux passer Chabbat à Sali. Il se souvenait y avoir un bon ami d’enfance qui l’accueillerait certainement de bon cœur.

Effectivement, dès que son ami l’aperçut, il invita avec joie cet hôte inattendu.

Fatigué, le voyageur accepta et, avant l'entrée de Chabbat, il confia au maître de maison sa bourse pour qu’il la mette en lieu sûr.

Samedi soir, Avraham voulut se remettre en route et demanda à son hôte de lui rendre sa bourse.

- "De quoi parles-tu? Tu ne m’as jamais confié d’argent!" répondit-il.

Stupéfait, Avraham faillit s’évanouir. Quand il retrouva ses esprits, il supplia son (ex) ami de lui rendre l’argent pour lequel il avait travaillé dur et dont dépendait l’avenir de sa grande famille.

L’hôte s’énerva: "Quel toupet! N’as-tu pas honte? Tu as mangé à ma table, tu as dormi dans ma maison et maintenant tu m’accuses d’un tel forfait!"

En voyant l’indignation de son hôte, Avraham comprit que jamais celui-ci ne reconnaîtrait l’avoir volé. Il ne lui restait plus qu’à porter plainte auprès d’un tribunal rabbinique.

Le Rav de Sali, à l’époque, était le célèbre Ohr Ha’haïm, Rabbi ‘Haïm ben Moché Benattar. (1696 - 1743).

Les deux hommes se rendirent chez lui et chacun exposa sa version des faits.

Rabbi ‘Haïm demanda à Avraham: "Y avait il un témoin présent quand vous lui avez confié l’argent?"

Comprenant qu’il avait été imprudent, Avraham admit qu’il n’avait pas pensé, juste avant Chabbat, à rechercher un témoin pour assister à la transaction.

"Non, il n’y avait personne, c’était juste avant Chabbat, nous étions assis sous un arbre quand j’ai confié cette bourse à mon ami".

"Sous un arbre? Très bien! dit joyeusement Rabbi ‘Haïm. Retournez là-bas et demandez à l’arbre d’être témoin!"

Avraham n’en croyait pas ses oreilles mais il avait trop entendu parler du Ohr Ha’haïm comme d’un faiseur de miracles:

il se leva et fit exactement ce que le Rav lui avait dit.

Quelques minutes plus tard, Rabbi ‘Haïm remarqua, en passant, que certainement Avraham avait déjà dû atteindre l’arbre.

"Vous n’y pensez pas, Rabbi!" s’écria spontanément l’homme qui avait accueilli Avraham à Sali.

"L’arbre se trouve assez loin d’ici!"

En regardant l’homme droit dans les yeux, Rabbi ‘Haïm ordonna: "Rendez immédiatement à ce Juif l’argent que vous lui avez volé!"

En voyant l’homme face à lui, incrédule, le Rav s’exclama: "Si vous n’aviez pas reçu l’argent sous cet arbre, comment auriez-vous pu savoir où était situé cet arbre?"

L’homme pâlit. Sans dire un mot, il rentra chez lui, retrouva comme par enchantement l’argent contesté et le remit à Avraham en présence de Rabbi ‘Haïm.

Traduit par Feiga Lubecki

Aharon www.milah.fr

"Regarde ses fruits!"

Reb Elimélekh était un des 'Hassidim les plus respectés de Rabbi 'Haïm d'Antonia.

Son siège à la synagogue était placé à côté de celui du Rabbi auquel il vouait un grand respect.

Comme il était très riche, il donnait de grosses sommes d'argent à toutes les causes charitables et Rabbi 'Haïm semblait beaucoup l'estimer.

Cependant de nombreux 'Hassidim ne partageaient pas l'opinion de leur Rabbi. Des rumeurs circulaient: les signes extérieurs de piété de Reb Elimélekh étaient contrebalancés par une attitude générale qui laissait à désirer.

On disait même que Reb Elimélekh se rapprochait dangereusement des thèses du judaïsme réformé...!

Tant que les rumeurs ne concernaient que les relations de Reb Elimélekh avec son Créateur, les 'Hassidim se retinrent de parler.

Mais quand il inscrivit son fils dans une école du mouvement réformé, certains estimèrent que le moment était venu d'ouvrir les yeux de Rabbi 'Haïm:

comment un véritable 'Hassid aurait-il pu inscrire son fils dans une institution hérétique? Quel exemple cela serait-ce pour leurs propres enfants?

Rabbi 'Haïm fut effectivement horrifié.

Il fit appeler Reb Elimélekh, lui expliqua gentiment qu'il savait ce qui se passait et tenta de le dissuader.

Mais là, Reb Elimélekh ne voulut plus écouter ses conseils.

Alors, voyant son entêtement, Rabbi 'Haïm changea de ton: "La 'Hassidout exige de donner aux enfants la meilleure éducation selon la Torah.

Tant que vous n’enlèverez pas votre fils de cette école, vous ne serez plus le bienvenu chez nous!"

Reb Elimélekh qui s'était habitué à être traité avec respect fut profondément choqué.

Après tout, qu'y avait-il de si grave à inscrire son fils dans une école un peu différente? Son Rabbi était bien trop fanatique, il allait trouver un autre Rabbi!

Quelques temps plus tard, il décida "d'essayer" le Rabbi de Viznitz. Il ignorait que Rabbi Israël de Viznitz était le propre frère de Rabbi 'Haïm!

Rabbi Israël de Viznitz était connu pour sa pratique de l'hospitalité et son profond amour pour chaque Juif.

Il accueillit chaleureusement Reb Elimélekh qui fut ravi de jouir à nouveau du respect d'un personnage important.

Un jour, le Rabbi de Viznitz l'invita même à l'accompagner dans une ses promenades.

Le temps était agréable, une brise légère soufflait, les feuilles des arbres se balançaient... Reb Elimélekh savourait chaque minute.

"C'est étrange, dit le Rabbi, cela me rappelle un souvenir d'enfance.

Une année, juste avant Pessa'h, la femme de notre melamed (enseignant) avait décidé de nettoyer à fond notre classe.

Nous sommes donc sortis dans les champs mais notre maître réalisa vite que les arbres, les oiseaux et les odeurs champêtres nous empêchaient de nous concentrer.

Voyant qu'il ne pouvait continuer le cours comme à l'école, le maître décida de nous donner une leçon un peu différente.

"Regardez, dit-il, cet arbre est un noisetier; celui-ci est un poirier et celui-là un pommier. Mais comment pouvons-nous le savoir alors que c'est encore l'hiver, que les arbres n'ont pas de feuilles?".

Il se mit alors à nous donner d'autres signes tels que la taille et la couleur des branches, l'épaisseur du tronc etc...

A cette époque nous étions trop jeunes pour apprécier pleinement les paroles de notre maître.

Le Rabbi de Viznitz passa son bras autour des épaules de Reb Elimélekh et continua: "Mais quand pouvons-nous vraiment reconnaître un arbre?

Quelques mois plus tard, quand il porte des fruits. A ce stade, on n'a plus besoin de comparer la taille des branches et la hauteur du tronc.

S'il produit des poires, c'est que c'est un poirier; et s'il produit des pommes, c'est que c'est un pommier.

Le fruit nous montre exactement de quel arbre il s'agit.

"Cela m'a enseigné une leçon importante pour la vie entière: pour connaître ce que vaut vraiment une personne, il suffit de regarder ses "fruits", ses enfants.

Ceci nous révélera exactement la nature profonde de la personne!"

Le jour même, Reb Elimélekh inscrivit de nouveau son fils à la Yéchivah.

Traduit par Feiga Lubecki

A chacun son Etrog

En Russie ou en Ukraine, il n'était pas facile de trouver un Etrog. Surtout un bel Etrog. C'est pourquoi les 'Hassidim qui avaient l'occasion de voyager veillaient à chercher longtemps à l'avance un bel Etrog pour apporter à leur Maître, le Rabbi.

Ce sont surtout ceux qui faisaient du commerce et voyageaient au loin qui avaient l'opportunité de courir le pays pour y trouver un Etrog de qualité.


Et quelle joie lorsqu'il arrivait chez son Rabbi pour lui offrir son splendide Etrog! Le Rabbi se réjouissait de l'occasion d'accomplir la Mitsvah des quatre espèces avec un Etrog de la meilleure qualité et de l'affection que lui portait son 'Hassid. Et le 'Hassid se réjouissait de savoir son Maître satisfait.

Cette année là, Elimelekh, commerçant en tissus, un 'Hassid attaché à Rabbi Mordekhaï de Tchernobyl, s'était mis en route dès Pessa'h. Son lointain voyage devait lui permettre d'être de retour pour les fêtes de Tichri.

Un mois avant son retour, début Elloul, il eut l'occasion d'acquérir un Etrog de toute beauté.

Il remercia le ciel de lui avoir donné l'occasion de trouver un si bel objet de Mitsvah et de procurer à coup sûr un grand plaisir à son Rabbi.

Il paya largement l'Etrog, et l'emballa avec précaution dans de la fibre de lin avant de le ranger au fond de sa malle.

Quelque temps plus tard, sur son chemin du retour, on lui proposa un autre Etrog, jaune et bien formé, sans défaut.

Reb Elimelekh hésita. "J'ai déjà acheté un Etrog pour le Rabbi, et quant à moi je ferai la bénédiction sur l' Etrog même du Rabbi, comme les années précédentes. Qu'ai je besoin d'un Etrog de plus?"

Finalement il acheta cet Etrog: n'allait il pas passer par Ruzhin sur la route de Tchernobyl? Il y avait là bas le fameux Rabbi Israël de Ruzhin, dont il avait eu maintes fois l'occasion de recevoir d'inoubliables bénédictions.

Un soir, dans un de ses dernières étapes, Reb Elimelekh rencontra de ses amis, 'Hassidim de Rabbi Mordekhaï de Tchernobyl. Il leur parla de son fructueux voyage, de sa réussite, du superbe Etrog qu'il avait destiné au Rabbi.

Sur leur demande, il sortit l'Etrog de ses bagages, et leur présenta les deux Etroguim.

"Le second, leur expliqua-t-il est pour le Saint Rabbi de Ruzhin."

Un grand silence accueillit cette dernière remarque. Mis côte à côte, il était clair que le second Etrog était bien plus beau que le premier…

"Tu devrais donner le premier au Rabbi de Ruzhin, et garder le second pour notre Rabbi…"

A vrai dire, c'est ce qui s'imposait, et Reb Elimelekh en décida ainsi.

Quelques jours plus tard, à Ruzhin, Reb Elimelekh se pressait parmi les 'Hassidim venus recevoir la bénédiction du Saint Rabbi Israël de Ruzhin. Il lui déclara qu'il lui avait apporté un Etrog en présent. Le Rabbi fit un grand sourire.

"Le voir est déjà une bonne chose" lui déclara le Tsaddik.

Il prit l' Etrog en main, et l'examina avec étonnement.

"Est ce vraiment mon Etrog? Est ce vraiment cet Etrog que tu as acheté pour moi?"

Reb Elimelekh sentit son ventre se serrer.

Le Rabbi de Ruzhin, surnommé le "Voyant" avait vu que ce n'était pas cet Etrog là qui avait été acheté pour lui…

Il bredouilla qu'il y avait eu erreur, et sortit le second Etrog, le merveilleux Etrog qu'il avait finalement décidé d'offrir à son Rabbi à lui…

Le visage du Tsaddik s'éclaira en un instant. "Un bel Etrog, très beau". Il bénit longuement Reb Elimelekh …

Peu de temps après, Reb Elimelekh arriva à Tchernobyl. Sans s'attarder chez lui, il se présenta devant Rabbi Mordekhaï, et lui tendit sans un mot l' Etrog qui lui restait.

Le regard du Rabbi alla plusieurs fois de l' Etrog à Reb Elimelekh, avec un air étonné.

"Qui a touché à mon Etrog?"

Reb Elimelekh était sidéré par cette manifestation évidente de "Roua'h hakodech" (esprit de Sainteté) de son Maître.

"Racontes moi comment cet Etrog est arrivé entre tes mains, et tout ce que tu as fait depuis!"

Reb Elimelekh fut bien obligé de raconter à son Maître tout ce qui s'était passé.

"Saches, Reb Elimelekh, qu'il est décidé à Tou Bichvat quel Etrog chacun méritera pour la fête.

Le Saint Ruzhiner savait parfaitement quel Etrog il avait mérité. Mais lorsqu'il a vu l' Etrog que tu lui as présenté en premier, il s'est demandé s'il avait démérité … Il a revu tous ses pensées, paroles et actes et a conclu qu'il méritait effectivement l'Etrog qu'on lui a présenté à Tou Bichvat, et pas un autre. C'est pourquoi il n'a pas voulu recevoir cet Etrog, qui n'était pas l'Etrog qui lui était destiné..

Mais comme il a eu mon Etrog dans ses saintes mains, cet Etrog n'est plus le même, j'ai senti ce changement…"


Aharon www.milah.fr