Rabbanit Haya Mouchka
Un article de Biographies.
La Rabbanit Haya Mouchka
La Rabbanit 'Haya Mouchka épouse du Rabbi, a quitté ce monde le 22 Chevat 5748 (1988).
Elle était la seconde fille du Rabbi Rayats. Elle se distinguait par sa profonde connaissance de la Torah, sa grande intelligence et son comportement majestueux. Son sens raffiné de l'humour, son attitude positive envers chaque détail la rendaient agréable à tous. Elle assumait sa mission avec une profonde humilité.
Le Rabbi remarqua que le Rabbi Rayats avait quitté ce monde en Chevat, de même que sa grand-mère, la Rabbanit Rivka, sa mère; la Rabbanit Shterna Sarah et sa fille, la Rabbanit'Haya Mouchka.
Un autre lien existe aussi entre les trois Rabbanyot.
Lorsque la Rabbanit Rivka quitta ce monde, elle demanda un verre d'eau et aussitôt rendit l'âme. Il en fut de même pour la Rabbanit Shterna Sarah qui, juste avant de mourir, demanda également un verre d'eau. Et la Rabbanit 'Haya Mouchka fit la même demande, peu avant de quitter ce monde.
A l'occasion de l'un de ses anniversaires, les femmes 'Habad envoyèrent un bouquet de fleurs à la Rabbanit. Elles lui adressèrent également une liste de femmes qui avaient besoin d'une bénédiction. Le secrétaire reçut le bouquet et transmit la lettre au Rabbi. Celui-ci, observant l'enveloppe, y vit inscrit le nom de son épouse. Il demanda donc que cette lettre soit transmise à la Rabbanit, mais le secrétaire expliqua qu'il s'agissait, en fait d'une liste de personnes sollicitant une bénédiction. Le Rabbi dit alors: "Elle peut également bénir."
Lors du procès qui établit la propriété des livres de la bibliothèque Loubavitch (il s'agissait de savoir si ces livres appartenaient à l'héritage de la famille du Rabbi précédent ou étaient la propriété collective des hassidim) la Rabbanit vint porter témoignage. L'avocat de la partie adverse lui demanda: "Qu'en pensez-vous? A qui appartenaient ces livres? A votre père ou aux 'Hassidim?"
La Rabbanit répondit: "Mon père et les livres appartiennent aux 'Hassidim."
Ces mots exercèrent une profonde impression sur le juge et ils furent déterminants dans la victoire finale. Le Rabbi rapporta ce récit, à l'issue du Chabbat Parachat Terouma 57481988, après les sept jours du deuil.
La Rabbanit quitta ce monde, le mercredi de la Parachat Michpatim, après une courte maladie. Son enterrement eut lieu quelques heures après son décès, en présence de quinze mille personnes. Elle repose près de sa grand-mère, la Rabbanit Shterna Sarah et face à son père, le Rabbi Rayats.
article de jloubavitch.com
Tissée dans un fil d'or
La naissance de 'Haya Mouchka Schneerson, en ce jour de Chabbat, le 25 Adar 1901, avait été un profond soulagement et une immense joie pour tous. Un soulagement, car chacun savait combien l'état de santé de sa mère, la rabbanite Ne'hama Dina, allait rendre l'accouchement particulièrement pénible. L'Amour de Loubavitch, Rabbi Chalom Dovber, cinquième Rabbi de Loubavitch, s'était efforcé, comme à son habitude, de dissiper les craintes, multipliant les lettres et les bénédictions à l'adresse de sa bru et de son fils unique, le futur Rabbi Yossef Yts'hak.
La Kabbale et la 'Hassidout nous apprennent en effet que les forces du mal se déchaînent pour empêcher la descente dans ce monde d'une âme élevée vouée à une haute destinée. Mais elles ne purent rien contre la foi et les prières.
En ce jour de Chabbat, le 25 Adar 1901 vint au monde la future épouse du Rabbi de Loubavitch, Rabbi Mena'hem Mendel Schneerson. Rabbi Chalom Dovber, qui était alors à l'étranger, expédia télégramme sur télégramme pour adresser ses bons voeux, mais surtout pour apporter ses précieuses recommandations : " Elle s'appellera 'Haya Mouchka et elle sera en tout point identique à son arrière-grand-mère, la Rabbanite (femme du Tséma'h Tsédèk, dont elle porte le nom). Je vous ai adressé un télégramme pour vous demander, si vous ne lui avez pas encore donné de nom, de l'appeler 'Haya Mouchka. Il me semble qu'il doit effectivement en être ainsi. Je vous adresse mes voeux de Mazal Tov pour le nom donné à notre petite-fille, votre fille, qui a été appelée "Haya Mouchka.
Puisse Dieu faire qu'elle ait de longs jours, des années bonnes et agréables, qu'elle craigne Dieu sincèrement et qu'elle soit, en tout point, identique à son arrière grand-mère, la Rabbanite, dont elle porte le nom.
(Lettres de Rabbi Chalom. Dov Ber, tome 3, pages 219, 227 et 237)
Les premières années
C'est à Loubavitch, berceau du 'Hassidisme 'Habad, que la petite 'Haya Mouchka allait passer son enfance et une partie de son adolescence. Loubavitch, cela signifiait une spiritualité omniprésente, bienfaisante et indispensable à l'épanouissement d'un être juif. Avec un père et un grand-père comme les siens, héritiers et porteurs du message de Moché Rabénou et du Baal Chem Tov, pourquoi s'étonnerait-on d'apprendre que la petite 'Haya Mouchka fut une enfant pleinement heureuse! Particulièrement choyée par Rabbi Chalom Dovber, elle gardait de ses traits un souvenir tellement précis qu'elle seule pouvait guider les artistes attachés à reconstituer son portrait.
Sans parler de sa manière de prier qui, empreinte de ferveur et d'émotion, avait de quoi réveiller tous les cœurs. Soucieuse de ne rien oublier, ni ce qu'elle voyait, ni ce qu'elle entendait, elle avait cette rare capacité d'apprendre et de retenir le moindre mot prononcé par son entourage, la moindre image reflétée dans ce paradis 'hassidique, hélas aujourd'hui perdu, qu'était la petite bourgade de Loubavitch.
Imaginez une fillette de cinq ans, 'Hava Mouchka, qui entretient une discussion animée avec sa soeur aînée sur un sujet qui, visiblement, la préoccupe beaucoup : quelle est la nature et la signification du dernier jour de Pessa'h ? Sa soyura beau lui répondre que c'est là un jour de fête comme les autres, cette réponse ne satisfait pas la petite fille qui pense tout le contraire. Età l'appui de sa thèse, elle apporte un argument de poids: "Pendant le kidouch du septième jour, on ne dit pas la bénédiction chehé'héyanou (qui nous a fait vivre jusqu'à ce jour)!" Dans la bibliothèque voisine, Rabbi Chalom Dovber, heureux grand-père, sursaute en entendant la réflexion de'laya Mouchka. En effet, elle vient de le ramener quarante-cinq ans en arrière, en 1865. <poem> Ce jour-là, le 19 Nissane, il était a la table familiale et son père, Rabbi Chmouël, fils de l'Admour de l'époque, le Tséma'h Tsédèk, expliquait aux enfants que l'on était le dernier jour de Pessa'h. Lui-même demanda alors à son père ce que signifie ce jour, Rabbi Chmouël se tourna vers le frère aîné et lui dit : "Zalman Aharon, peut-être connais-tu la réponse ?" "Non", répondit le jeune garçon. Alors, leur petite soeur, Devora Léa intervint : "Moi, je sais pourquoi on célèbre le dernier jour de Pessa'h..." Rabbi Chmouël se tourna vers elle et lui demanda d'exprimer son avis. Et la fillette se mit à expliquer : "Lorsque les Juifs observent les sept jours de Pessa'h comme le veut la loi et qu'ils veillent à ne pas manger de 'hamets (pain ou toute sorte d'aliment qui contient du levain), ils font une fête de ce dernier jour de Pessa'h. Tous les Juifs sont contents, car ils ont évité de commettre la grande faute : posséder ou manger du `hamets." Rabbi Chmouël, ne pouvant pas cacher sa satisfaction, lui dit: "Devora Léa, tu as une bonne tête!..." </poem>
Peu après, les trois enfants de Rabbi Chmouël se rendirent chez leur grand-père, le Tséma'h Tsédèk, pour lui apporter son repas de fête, accompagnés de leur père. Celui-ci, en entrant chez le Tséma'h Tsédèk, lui raconta la discussion précédente et l'idée exprimée par la petite Devora Léa. Réaction du Tséma'h Tsédèk : "C'est un bon raisonnement de sa part." Le Tséma'h Tsédèk fit alors venir ses trois petits-enfants, et à son tour, leur expliqua la signification profonde du dernier jour de Pessa'h :
"La première nuit de Pessa'h est notre fête à nous parce que Dieu nous a sortis d'Egypte. Nous célébrons la première Gueoula (délivrance) effectuée par Moché, notre Maître, qui fut le premier rédempteur. C'était là le début. Tandis que le dernier jour de Pessa'h nous permet de fêter la dernière Gueoula, celle qui sera effectuée par Dieu Lui-même par l'intermédiaire de Machia'h, notre dernier rédempteur. Le premier jour de Pessa'h est donc la fête de Moché, notre Maître, et le dernier, celui de Machia'h."
On le voit, la réflexion d'une fillette de cinq ans, nommée 'Haya Mouchka Schneerson, fit l'objet d'exposés de la part de trois Admourim de Loubavitch, en l'espace d'un siècle : le Tséma'h Tsédèk, Rabbi Chalom Dovber et, plus tard, le Rabbi, Mena'hem Mendel Schneerson.
Fille cadette
`Haya Mouchka, fille cadette des trois filles du sixième Rabbi Yossef Yts'hak, avait dix-neuf ans lorsque son grand-père, Rabbi Chalom Dovber, quitta ce monde. Elle l'assista jusqu'à ses derniers instants avec un extraordinaire dévouement, après avoir veillé la nuit entière dans une chambre voisine. L'un des familiers de la maison, Rav Moché Dovber Rivkine, avait dû dormir chez son Rabbi à cause du couvre-feu qui sévissait à Rostov. Entendant du bruit, il se leva, s'habilla en vitesse et monta à l'étage. Là, il vit la jeune `Haya Mouchka qui portait un verre de lait à son grand-père.
Avant de s'éteindre en 1920, Rabbi Chalom Dovber fit venir 'Haya Mouchka avec les autres filles de Rabbi Yossef Yts'hak. Il leva les mains au-dessus de leurs têtes et commença à les bénir en prononçant le prénom de chacune. Comme ses mains tremblaient, son fils, Rabbi Yossef Yist'hak, devait les soutenir tout comme Yossef lorsque ses enfants furent bénis par leur grand-père Yaacov. C'est à 'Haya Mouchka que Rabbi Chalom Dovber légua plusieurs écrits de base de la 'Hassidout dans le cadre de ses dernières volontés.
Encore toute enfant, elle avait fait montre d'une telle maturité d'esprit que son père, Rabbi Yossef Yts'hak, avait vu en elle non seulement une de ses filles qu'il chérissait le plus mais aussi une véritable interlocutrice à venir, une collaboratrice efficace pour les temps difficiles. A cette époque, la guerre que menaient les communistes contre le Judaïsme s'intensifia et le combat héroïque de Rabbi Yossef Yits'hak commença. L'avènement de Rabbi Yossef Yts'hak aux responsabilités suprêmes du mouvement Loubavitch suivait de quelques années seulement la révolution bolchevique.
Traqué, persécuté, le Judaïsme orthodoxe avait dû, pour survivre et se développer, prendre le maquis, avec tous les dangers que cela impliquait. Mais cet extraordinaire homme de foi et d'action qu'était Rabbi Yossef Yts'hak savait qu'il pouvait compter sur sa fille pour sa détermination et son bon sens. S'agissait-il de faire parvenir des vivres et des bougies à la yéchiva clandestine de Novardok, alors installée à Rostov ?
C'est à la toute jeune `Haya Mouchka qu'il confia cette mission secrète. La vie à Rostov devint de plus en plus dangereuse pour les Juifs et au printemps 1924, la famille déménagea pour Leningrad où la jeune 'Haya Mouchka continua de prendre part à toutes les activités de son père. Dans un document qu'on a découvert récemment, daté du 4 décembre 1924, son père écrivait :
"Par ceci je donne tous pouvoirs à la citoyenne 'Hava Mouchka Yosepouvna (fille de Joseph) Schneerson, habitant rue Machavaya 12/22, appartement 10, pour recevoir de l'argent en mon nom ou des documents qui me sont adressés, sous quelque forme que ce soit, de la banque gouvernementale, de toutes les succursales, de tous les bureaux, des autres banques, gouvernementales ou locales, de toute autre organisation, de particuliers ou de télégrammes".
La Rebbetsen 'Haya Mouchka avait alors 23 ans.
Les cruelles persécutions étaient incessantes et en 1927 la sinistre police secrète communiste vint arrêter son père dans leur appartement de Leningrad. Lorsque le Rabbi Chalom Dov Ber déménagea à Pétersbourg devenue Leningrad, la N.K.V.D, police politique du Kremlin, ne pouvait tolérer l'expansion prise par les activités éducatives du mouvement Loubavitch Ses sbires firent donc irruption chez l'Admour en pleine nuit, ce 15 Sivane 1927, pour l'arrêter et l'incarcérer. Gardant son sang-froid, `Haya Mouchka réussit habilement à prévenir le Rabbi, son futur mari, qui était dans la rue en lui disant :
"Schneerson, des invités sont venus nous rendre visite ! ".
Comprenant le message, le Rabbi fut en mesure de prévenir d'autres personnes et de prendre les précautions nécessaires. Suite à son arrestation et son emprisonnement à Leningrad. son père fut exilé à Kastroma et, à sa demande, elle voyagea avec lui. Après sa libération, il expliqua ce choix : "De toutes mes filles, c'est elle qui était la plus digne et la plus apte à me suivre..." Le 12 Tamouz, ce fut elle qui eut la grande joie de lui annoncer et d'annoncer à toute la famille et aux 'hassidim restés à Leningrad, que Rabbi Yossef Yts'hak était libéré.
En automne 1927, le lendemain de Sim'hat Torah, la famille Schneerson quitta l'Union Soviétique et s'installa à Riga, en Lithuanie.
De l'avis général, Rabbi Yossef Yts'hak appréciait particulièrement chez sa fille la rigoureuse exactitude de ses paroles, de ses pensées et de ses mouvements. Lorsqu'elle racontait quoi que ce fût, voire une simple rumeur, c'était après en avoir pesé et compté les mots. De plus, outre un amour filial, somme toute naturel, elle vouait à son père une admiration et un respect sans bornes. Et Rabbi Yossef Yts'hak le lui rendait bien.
Lorsque les premières yéchivot 'Habad Tom'hé Tmimim virent le jour à travers les Etats-Unis, elle affirmait : "Une révolution comme celle-ci, seul un géant comme mon père pouvait la provoquer !" De son côté, lorsqu'il voulut évoquer l'une des grandes heures de la saga des 'hassidim, en l'occurrence, l'adhésion au Baal Chem Tov des trois grands érudits, Rav Mordekhaï, Rav 'Haïm et Rav Israël Dov, c'est précisément à sa fille cadette, 'Haya Mouchka qu'il l'écrivit.
Résultat : une lettre de plus de cent vingt pages datant du 16 Chevat 1935. Autant dire un chef-d'oeuvre d'histoire et de philosophie 'hassidiques. Il faut dire aussi que Rabbi Yossef Yts'hak était un conteur de génie. Jetons un coup d'oeil sur la première page de ce document :
"A ma fille chérie, 'Haya Mouchka, longue vie. Chaque individu, si grand soit-il, a des faiblesses. Mais ce qui est le plus étonnant, c'est que les gens soient parfaitement conscients d'avoir une telle faiblesse et ne puissent cependant rien contre elle."
Son mariage
Avant de quitter la Russie, elle s'était fiancée avec celui qui allait devenir le Rabbi, Rabbi Mena'hem Mendel Schneerson. Pour diverses raisons, le mariage fut retardé jusqu'en 1928 lorsque, le 14 kislev, il fut célébré à Varsovie en Pologne. Le jour précédant le mariage, des milliers de Juifs se dirigèrent vers la gare de Varsovie pour accueillir son père et sa famille.
Durant la journée, de nombreux 'hassidim venus de Pologne, Lithuanie et Russie arrivèrent dans la capitale. A 8 heures du soir, en présence des étudiants de la yéchiva Tom'hé Tmimim, son père célébra le repas "d'accueil du fiancé". Au milieu du repas, il prononça un "Maamar", discours 'hassidique très profond. A minuit, le repas se prolongeait encore. Rabbi Yossef Yts'hak exprima le souhait de se réjouir avec les étudiants de la yéchiva: ceux-ci formèrent autour de lui une grande ronde au centre de laquelle il dansa longtemps.
Le lendemain, le 14 kislev, à cinq heures du soir, commença l'accueil des invités, "Kabbalat Panim Seuls les invités munis d'invitations officielles étaient autorisés à entrer dans la yéchiva. Des milliers de gens se pressaient autour du bâtiment où il n'y avait tout simplement pas assez de place. A des milliers de kilomètres de là, en Russie, à Dniépropétrovsk (Yekatérinoslav), une autre fête était célébrée. Les parents du Rabbi, Rabbi Lévi Yts'hak et la Rebbetsen'Hanna, n'ayant malheureusement pas pu assister personnellement au mariage, avaient organisé un repas royal et un "Farbrenguen'", réunion 'hassidique dans leur propre logement où ils invitèrent toute la communauté.
Le 14 Kislev, vingt-cinq ans plus tard, le Rabbi dit à ses 'hassidim :
"C'est ce jour qui m'a lié à vous et qui vous a lié à moi".
Les années de guerre
Après le mariage, le jeune couple habita à Berlin jusqu'en 1933. Quand le régime nazi conquit le pouvoir, au printemps 1933, ils s'enfuirent à Paris.
En 1939, l'Allemagne commença la Seconde Guerre mondiale en lançant une offensive éclair ("Blitzkrieg") contre la Pologne. Le père de 'Raya Mouchka, aidé par ses partisans américains très influents, réussit à quitter la Pologne au début de l'année 1940, alors que l'Allemagne était encore officiellement en paix avec les Etats-Unis.
Rabbi Yossef Yts'hak et sa famille réussirent à gagner les Etats-Unis sur le dernier bateau qui put traverser sans danger l'Atlantique, avant la mise en place des sous-marins allemands. Une fois arrivé à New York, Rabbi Yossef Yts'hak fit tout ce qui lui était possible pour sauver le reste de sa famille encore bloquée en Europe où une catastrophe sans précédant guettait les Juifs.
En mai 1940, la France fut envahie par les forces allemandes et se rendit au bout de quatre semaines. Un régime fantoche, dirigé par le maréchal Philippe Pétain et son Premier ministre Pierre Laval, se mit en place à Vichy. Le Rabbi et la Rebbetsen, comme la plupart des Juifs, s'enfuirent vers Nice dans le sud de la France, préférant vivre sous l'autorité de Pétain plutôt que sous l'occupation nazie à Paris.
Durant leur fuite, il se produisit un énorme bombardement. Alors que les gens courraient dans toutes les directions, la Rebbetsen 'Raya Mouchka remarqua qu'une charge explosive se dirigeait droit sur un homme qui se tenait près d'elle. Elle le poussa rapidement à terre, lui sauvant ainsi la vie. Plus tard, en racontant cette histoire, la Rebbetsen ajouta "C'est vrai, je lui ai sauvé la vie, mais pour avoir poussé un Juif, il faut faire techouvah.
L’Amérique : échapper à l'empire des nazis
En 1941, le Rabbi et la Rebbetsen embarquèrent sur le navire "Sherpa Pinto" et se mirent en route (depuis Marseille, en passant par Lisbonne au Portugal) pour les Etats-Unis.
Le 28 Sivane, ils arrivèrent sains et saufs sur le rivage américain et s'installèrent à New York, non loin de la maison de Rabbi Yossef Yts'hak. Il est vrai que 'Haya Mouchka elle-même avait échappé aux griffes des Nazis, mais le cauchemar européen ne la quittait pas. Sa jeune sœur, Sheïna, et son mari, Rabbi Mena'hem Mendel Horenstein étaient encore retenus en Pologne quand les Etats-Unis déclarèrent la guerre contre le Japon en décembre 1941. Tout contact fut alors définitivement rompu. Ce n'est qu'après la guerre qu'on apprit que les époux Horenstein avaient péri dans les chambres à gaz de Treblinka, le second jour de Roch Hachana 1942.
Une lettre écrite à la main par 'Haya Mouchka adressée à son père à New York. La lettre écrite à Nice en 1941, l'informait que des visas avaient été remis à elle et au Rabbi.
"Le département d'Etat a reçu un rapport télégraphié de l'Office Consulaire de Marseille... des visas ont été émis pour Rabbi Schneerson et son épouse le 17 avril".
L'épouse du Rabbi
En 1950, après le décès de son père, Rabbi Yossef Yts'hak Schneerson, la direction du mouvement international'Habad Loubavitch passa aux mains de l'époux de la Rebbetsen 'Haya Mouchka.
Cependant, comme il est bien connu, le Rabbi refusa a priori d'accepter cette lourde charge. Ce fut son épouse, la Rebbetsen, qui, sans même considérer l'énorme sacrifice que cela représenterait pour elle, insista auprès de son mari pour qu'il accepte cette responsabilité en disant: "II est proprement inimaginable que les trente années de dévouement total et d'accomplissement de mon père, échouent maintenant, Dieu préserve". Érudite et intelligente, la Rebbetsen 'Haya Mouchka assuma son nouveau rôle de la façon la plus humble et la plus discrète. Toute sa vie, elle vécut selon le verset : "Tout l'honneur de la fille du roi est intérieur". Quand elle téléphonait au bureau du Rabbi au 770 Eastern Parkway, elle se présentait simplement comme "Madame Schneerson de Président Street ". Distinguée et attentive aux besoins de chacun, la Rebbetsen était entièrement dévouée aux accomplissements de son mari. Même lorsqu'elle transmettait ses réponses à ceux qui lui demandaient d'être leur intermédiaire, elle répétait ses paroles avec précision et s'assurait que chaque mot avait été compris conformément à l'intention du Rabbi.
Sa vraie grandeur
Le respect extraordinaire que le Rabbi accordait à son épouse nous donne une idée de sa véritable grandeur Car bien que la Rebbetsen déclinât toute reconnaissance officielle, le Rabbi faisait souvent allusion à elle avec respect. Un jour, l'Organisation des Femmes `Habad lui envoya un bouquet de fleurs avec une liste de personnes qui avaient besoin d'une bénédiction. Mettant de côté les fleurs pour la Rebbetsen, le secrétaire transmit la lettre au Rabbi qui, remarquant qu'elle était adressée à son épouse, demanda au secrétaire de la lui remettre en disant : "Elle aussi est capable de donner les bénédictions ". Le Rabbi fit remarquer un jour à une amie de sa femme : "Vous avez un bon avocat à vos côtés". Ceci se vérifia durant un épisode crucial de l'histoire récente de Loubavitch, lors du procès visant à établir à qui appartenaient les livres de la grande bibliothèque Loubavitch.
Quand le juge demanda à la Rebbetsen : "A qui appartenaient ces livres ? ", celle-ci répondit : "Mon père lui-même et tout ce qu'il possédait, y compris les livres, appartiennent aux `hassidim" Ses mots prononcés avec tant de sincérité firent une profonde impression sur le juge et aidèrent à faire pencher le jugement en faveur d'Agoudat 'Hassidé 'Habad.
Son décès (histalkout)
La Rebbetsen quitta ce monde le mercredi 22 Chevat 1988 après une brève maladie. Son enterrement eut lieu quelques heures plus tard au cimetière `Habad de Queens, à New York. En guise d'adieu à une véritable reine, une foule estimée à quinze mille personnes suivit le convoi qui était encadré par une escorte officielle.
Elle fut enterrée à côté de sa grand-mère, la Rebbetsen Sterna Sarah et près de son père Rabbi Yossef Yts'hak. Le Rabbi fit remarquer que Rabbi Yossef Yts'hak avait quitté ce monde en Chevat (le 10 Chevat 1950) tout comme sa grand-mère, la Rebbetsen Rivkah, sa mère la Rebbetsen Shtema Sarah (le 13 Chevat) et sa fille. Autre chose liait entre elles les trois Rebbetsen. Peu avant son décès, la Rebbetsen Rivkah avait demandé un verre d'eau et après l'avoir bu avait rendu son âme à son Créateur.
Il en fut de même pour la Rebbetsen Sterna Sarah, et il en fut de même pour la Rebbetsen `Haya Mouchka qui, après avoir récité la bénédiction "Béni... Celui qui a tout créé par Sa parole" rendit l'âme à son Créateur.
Son héritage
L'après-midi qui suivit l'enterrement, le Rabbi appela son secrétaire, Rav Yéhoudah Krinsky et, entre autres, lui demanda d'établir, aussi vite que possible, un fonds de Tsédaka (charité) au nom de la Rebbetsen, de mémoire bénie. Avant la fin des Chiva" (sept jours de deuil), le "Keren 'Homech" fut établi (c'était un acronyme des premières lettres des noms: Harabanit 'Haya Mouchka Schneerson) au Centre mondial Loubavitch. Ce fonds s'occupe de nombreuses causes charitables, en particulier des œuvres à caractère social et éducatif pour les femmes et jeunes filles. Durant les années suivantes, le Rabbi distribua des sommes importantes de ce fonds pour différentes institutions 'Habad et des particuliers dans le monde entier.
Dimanche le 24 Adar 1988 fut marqué par la pose de la première pierre du "Campus `Homech" en mémoire à la Rebbetsen. Vers la fin de cette cérémonie émouvante, on vit soudain le Rabbi lui-même arriver. Depuis la vitre de sa voiture, le Rabbi tendit à Rav Avraham Chem Tov 470 dollars (la valeur numérique,( guematria), du nom de la Rebbetsen est 470) en disant: "Je me rends maintenant au Ohel, au tombeau du Rabbi, et je vais également me rendre auprès de son tombeau à elle. Ce soir c'est son anniversaire et ceci est ma participation et sa participation pour ce nouvel édifice".
Aujourd'hui "Campus 'Homech" est une des plus grandes écoles de filles juives du monde. Dans les années suivant sa Histalkout, des centaines d'institutions Loubavitch portant son nom furent établies de par le monde en honneur de sa mémoire; de nombreuses mikvaot (bains rituels) portent son nom ainsi que de nombreuses publications et parutions. Lundi 25 Adar 1988, pour l'anniversaire de la Rebbetsen, le Rabbi lança une nouvelle campagne : la célébration par chacun de son anniversaire juif, en l'honneur de la Rebbetsen. Cette campagne a rendu populaires certaines coutumes d'anniversaires, comme par exemple augmenter l'étude de la Torah, la ferveur dans la prière et le don à la Tsédaka. La campagne vise aussi à encourager chacun, y compris les enfants, à organiser une joyeuse réunion avec sa famille et ses amis.
Le nom 'Haya Mouchka
`Haya signifie la vie ; et Mouchka une épice aromatique. A propos de l'importance de donner à un enfant le nom de la Rebbetsen, le Rabbi dit "Nous pouvons prouver que "ses enfants sont en vie" lorsque nous prenons exemple sur sa conduite et que nous nous conduisons conformément à son esprit, avec un dévouement absolu".
Ceci est encore plus vrai quand on appelle un enfant par son nom et qu'on éduque l'enfant à suivre son exemple. Après tout, c'est là la signification de base de la phrase "Ses enfants sont vivants, alors elle aussi est vivante" La Rebbetsen n'avait pas d'enfants à elle, cependant lorsqu'un enfant lui rendit un jour visite dans sa maison et lui demanda : "Où sont vos enfants ?", elle répondit : " les 'hassidim sont mes enfants ".
Effectivement aujourd'hui, des milliers de petites filles portent son nom. Son impressionnante prestance toute royale, son élégant sens de l'humour et son attitude sensible et attentionnée avaient conquis tous ceux qui l'avaient connue. Elle testera pour nous tous inoubliable.
un récit
La Rabbanit raconte :
"Une fois, je me promenais au bord de la mer, à Nice. Soudain, une femme juive, épouse d'un Rav de Belgique, m'aborda. Je lui demandai:'Que faites-vous là ?'.
Elle me répondit qu'elle attendait son mari, lequel était allé se baigner. Il s'était éloigné de la plage centrale et avait déposé ses vêtements sur le côté.Soudain, nous avons aperçu des allemands qui se dirigeaient vers nous. A l'époque, ceux-ci n'avaient pas encore conquis la ville de Nice. Néanmoins, ils y inspiraient la crainte. En fait, c'était avant tout son mari qui courrait un danger, car le fait qu'il était juif apparaissait à l'évidence. Nous ne savions que faire. Soudain, j'ai eu une idée. Je suis allée voir le maître-nageur et lui ait dit, en français:'Ne voit-on pas une tête qui émerge, là-bas, au loin?'.Pendant qu'il observait, je lui indiquai, en allusion, qu'il était préférable que les allemands ne voient pas cet homme. Le maître-nageur comprit mon allusion, prit sa barque de sauveteur et partit "sauver" celui qui se "noyait". Concrètement, il saisit ce juif et le conduisit à bonne distance de la côte.Entre temps, les allemands s'approchèrent et observèrent ce qui se passait. Ils ne firent pas attention à moi, ni à l'autre femme. Peut-être ne recherchaient-ils pas de femmes. En revanche, ils s'aperçurent qu'il y avait un juif avec le maître-nageur, dans la barque, mais virent que celui-ci était déjà loin. Ils s'en allèrent donc.· Le maître-nageur déposa le Rav dans un endroit éloigné, lui permit de mettre ses vêtements et lui fit regagner la côte, pendant la nuit. Par la suite, le Rav rentra chez lui et une enfant, l'une de leurs filles, vint me dire qu'il n'y avait plus lieu de s'inquiéter, car il se trouvait chez lui et tout allait bien. Néanmoins, je ne me trouvais pas à la maison, lorsqu'elle arriva, car j'étais alors partie chercher du lait surveillé."