WASSERMAN, Elhanan

Un article de Biographies.

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Né en 1875 à Birz (Lituanie), décédé à Kovno en 1941 fils de Rav Naftali Beynouch, il épouse la fille du Rav de Salant, Rav Meir Atlas (plus tard Rav de Chavouly) qui pourvoit à son entretien pendant plusieurs années à Boysk (Lettonie), ville natale de son père.

On lui propose les fonctions de Président du Tribunal de Moscou, poste qu'il refuse pour se consacrer à l'enseignement à la Yechiva. Il quitte plus tard les siens pour se rendre à Radin auprès du Hafets-Hayim.

Au cours de la Première Guerre Mondiale, Rav Elhanan s'exile avec le Hafets Hayim à Smilowitz, ville voisine de Minsk. Il y reste pendant près de cinq ans, après le départ de son maître et sur son ordre, pour diriger la Yechiva nouvellement fondée, affrontant d'énormes difficultés comme la faim, le dénuement, les épidémies et toutes sortes d'autres maux.

Son fils Rav Eléazar Simha raconte que c'est à cette époque que l'épouse de Rabbi Elhanan, Mikhalé, se distingue tout particulièrement en s'initiant à la fabrication du savon qu'elle vend elle-même afin d'entretenir toute l'institution et sa propre famille. Le temps considérable qu'elle passe à accomplir cette tache ne l'empêche pas d'éduquer ses enfants et d'être une mère compatissante pour chacun des étudiants.

Lorsqu'en 1921 les Juifs peuvent quitter la Russie, Rav Elhanan rejoint en Pologne le Hafets-Hayim à Baranowitz, ville frontière, où il devient directeur de la Yechiva locale, Ohel Tora, fondée par le Saba de Novardok, Rav Yossef Yosel Hourwitz. Cette Yechiva devient un centre de Tora très important qui attire des éLeves venus de tous les horizons spirituels et de tous les pays, d'Allemagne et même des Etats-unis. Les enseignements de Rabbi Elhanan se répandent dans toutes les Yechivot de l'époque et contribuent à former la génération de Benei-Tora.

Tout en exerçant ses fonctions, Rav Elhanan entretient ses contacts avec le Hafets-Hayim dont il se considère comme l'humble disciple. Lorsque la Yechiva est aux prises à des difficultés et que les étudiants sont affamés, le Rav impose les mêmes restrictions chez lui et réduit même son propre salaire.

En 1932, les conditions matérielles devenant intenables, Rav Elhanan décide, bien à contrecoeur, de se rendre en Amérique afin d'obtenir de l'aide pour la Yechiva. Sur le point d'embarquer, ses éLeves de Baranowitz lui écrivent qu'ils sont prêts à endurer la plus rude des famines pourvu que leur Rav reste auprès d'eux. Rav Elhanan renonce alors à son voyage et retourne à son poste.

Mais la misère et la faim allant en s'aggravant, il embarque en 1933 pour l'Amérique. Il recueille des fonds pour sa Yechiva mais, en même temps, fait grande impression et s'efforce activement de renforcer le Judaïsme américain. À la veille de l'invasion de la Pologne, qui marque le début de la Seconde Guerre Mondiale, Rav Elhanan se trouve en Amérique pour les besoins de la Yechiva. Son fils, Rav Eléhazar Simha vient d'y émigrer, sur les conseils de son père, après avoir contribué à la fondation, à Strasbourg, de la Yechiva qui deviendra, après la guerre, celle d'Aix-les-Bains. (Il fondera et dirigera plus tard la Yechiva Or Elhanan à Los Angeles puis à Jérusalem, en 1980).

Malgré les périls, Rav Elhanan retourne en Europe rejoindre non seulement ses deux fils restés en Pologne, Rav Naftali et Rav Leib, mais aussi les quatre cents étudiants de sa Yechiva, et se réinstalle à Baranowitz. Malgré les atrocités perpétrées par les troupes nazies, Rav Elhanan reste auprès de ses éLeves afin de leur soutenir le moral.

Bien que disposant d'un visa pour l'Amérique et d'un autre pour Erets Yisrael, il refuse d'en faire usage aussi longtemps qu'un seul étudiant sera retenu dans la vallée des larmes.

Lorsque le pays est livré aux Soviétiques, les Juifs craignent tout autant la haine des Bolcheviques qui refusent toute forme de religion. Fuyant la zone soviétique, Rav Elhanan et ses éLeves trouvent refuge à Vilna. Presque toutes les Yechivot s'y trouvent rassemblées comme si toute la Tora était concentrée en ce point du globe qui joue le rôle des quatre coudées de la Halakha.

Puis la Yechiva s'exile à Troki, puis à Smilishoki. Cette situation se prolonge un an et demi et Rav Elhanan insuffle le courage et la force nécessaires pour s'adonner à l'étude sans prendre garde au danger.

En 1941, se trouvant secrètement à Kovno pour un mission communautaire, les Nazis envahissent la Lituanie. Rav Elhanan se réfugie chez Rav Abraham Grodzenski, directeur de la Yechiva de Slobodka dont les Nazis avaient ordonné la fermeture. Mais Rav Elhanan trouve des compagnons d'étude à qui il donne un cours magistral sur les lois relatives à la sanctification du Nom (hilkhot Qiddouche Ha-Chem), c'est-à-dire à la manière de mourir en martyr de la foi.

Tout le groupe est arrêté le 11 tammouz 5701 (1941) et Rav Elhanan marche en tête en adressant à ses amis des paroles d'encouragement sans laisser transparaître le moindre signe de crainte ou de préoccupation personnelle. Le même soir, Rav Elhanan est exécuté avec douze autres Maîtres en Tora, tous morts en sanctifiant le Nom divin.


RABBI EL’HANAN WASSERMAN

LE ROCH YECHIVAH DE BARANOVITS

Source : Hevrat Pinto


Je me souviens du temps où j’ai étudié à la Yechivah de Telz en Lituanie. Le bruit courut que le Roch Yechivah de Baranovits allait venir à Telz. Cette nouvelle fit grand bruit à la Yechivah, et tout le monde attendait avec impatience la venue du gaon. Les éLeves les plus agés racontaient des histoires sur lui. On disait qu’il était d’une extrême assiduité et qu’il ne s’arrêtait jamais d’étudier jour et nuit, au point qu’il ne connaissait même pas la ville elle-même.

On racontait qu’un jour El’hanan de Bouskaï (c’est ainsi qu’on l’appelait d’après le nom de sa ville) exprima un grand désir d’aller à la ville voisine, Plounguian, pour faire connaissance de Rabbi Chemouël Avigdor Faïvelsohn, qui était un gaon très célèbre. Ses amis voulurent lui faire une farce et louèrent une voiture en ordonnant au cocher de faire le tour de Telz et de l’amener chez le Rav de Telz. Et Rabbi El’hanan ne s’aperçut pas qu’il roulait dans les rues de la ville de Telz, avant d’entrer chez le Rav et de trouver le Rav de Telz. Alors seulement, il comprit qu’il n’avait pas quitté la ville.

A six heures, avant la prière de min’ha, tous les éLeves de la Yechivah allèrent l’accueillir à la gare. Nous nous tenions tous sur le quai et en attendant l’arrivée du train dans un saint tremblement. Tout à coup, on entendit un sifflement et le train s’arrêta. Rabbi El’hanan sortit d’un wagon avec une petite valise à la main. Son apparition fit grande impression. Son merveilleux visage exprimait le sérieux, il baissait les yeux comme s’il voulait se cacher du grand honneur qu’on lui faisait. Même les non-juifs qui étaient présents furent aussi très impressionnés par le Rav des juifs, et certains se mirent à genoux. Le Rav dit seulement : « Nou, il est l’heure de prier min’ha ». Quand on arriva à la Yechivah et qu’on commença à prier, tout le monde fut stupéfait de voir qu’il restait debout auprès du dernier banc, près de la porte…

Le soir, il donna un cours dans le grand beith midrach, qui était plein à craquer. Rabbi El’hanan monta sur l’estrade et se mit à parler. Il parlait doucement, simplement et clairement. Je me souviens encore du contenu de son cours. Il a parlé de la foi en Dieu. Au cours de son exposé, il posa une question : quelle est la raison de la difficulté de la situation financière dans le monde ? (Il y avait alors une crise économique mondiale.) Et il expliqua : « Qu’est-ce qui manque dans le monde ? Est-ce qu’il manque de la nourriture, n’y a-t-il pas suffisamment de moissons ? Au Canada on jette du blé à la mer pour ne pas faire baisser les cours. Est-ce l’argent manque dans le monde ? Les banques suisses se plaignent de ce que leurs coffres sont remplis d’or et qu’il n’y a pas dans quoi investir ni à qui prêter à intérêt. Par conséquent, pourquoi la faim et la pénurie règnent-elles dans de nombreux pays ? Et il répondit : le Saint béni soit-Il rétribue les créatures mesure pour mesure. Comme les gens ont perdu leur confiance en Dieu, Il leur a pris la confiance en l’homme. Personne n’a confiance dans le prochain. Or chacun sait que le commerce et l’industrie reposent sur la confiance, sur le « crédit », c’est pourquoi les rouages de l’économie ne fonctionnent plus. Et le remède est très simple, il faut que les créatures reviennent à Dieu, et alors Dieu leur rendra la confiance en l’homme. » Ses paroles qui sortaient d’un cœur pur et affligé rentrèrent dans le cœur des juifs où ils firent une impression profonde et indélébile.

Beaucoup d’années sont passées depuis ce jour-là, mais j’ai cacHe son image dans mon cœur, et aujourd’hui je vais vous parler de ce juif saint, qui a été saint dans sa vie comme dans sa mort.

Rabbi El’hanan Wasserman est né en 5635 (1874) dans la ville de Birz en Lituanie. Quand il eut treize ans, ses parents allèrent vivre dans la petite ville de Boïsk en Lettonie. A un jeune age il alla étudier dans la célèbre Yechivah de Telz. Le jeune El’hanan devint l’éLeve favori de deux grands rabbanim : Rabbi Eliezer Gordon et Rabbi Chimon Shkop z’tl. Il fut rapidement connu comme exceptionnellement assidu, prenant garde à ne pas perdre une seule minute. Chaque heure était consacrée à un certain travail et tout marchait selon la montre. Il n’était jamais en retard le moins du monde, et ne restait jamais désœuvré fût-ce pour un seul instant.

« Comment expliquerais-je l’oisiveté dans l’avenir, quand je me tiendrai devant le tribunal céleste et qu’on me demandera ce que j’ai fait à tel instant ? Est-ce que je ne devrai pas rendre des comptes sur chaque moment ? »

Le Rav de Poniewitz z’tl a raconté sur lui que lorsqu’ils étudiaient ensemble à la Yechivah de Radin, on lui apporta un télégramme disant qu’un fils lui était né. Rabbi El’hanan ouvrit le télégramme, se leva et dit la bénédiction HaTov VéHaMétiv, puis il revint immédiatement à la question qui les occupait, et continua à approfondir le problème comme s’il ne s’était rien passé. De même lorsqu’il se rendit une fois en Amérique, et qu’il avait encore une heure avant le départ du train, il se rendit à la Yechivah avec sa valise à la main et donna un cours aux éLeves avant son départ.

En 5659, Rabbi El’hanan épousa Mikhla, la fille du gaon Rabbi Méïr Atlas, Rav de la ville de Shavil en Lituanie. Après le mariage, il alla à Radin pour s’imprégner de l’enseignement du ‘Hafets ‘haim.

Rabbi El’hanan passa trois ans à Radin et s’attacha à son Rav, le ‘Hafets ‘haim, de toutes les fibres de son ame, au point qu’il finit par lui ressembler. Il s’attachait à ses qualités : même simplicité, même droiture, même foi ardente, à la fois profonde et simple, et même attitude devant les problèmes du temps. Il n’est donc pas surprenant qu’après la mort du ‘Hafets ‘haim, beaucoup reconnurent en Rabbi El’hanan son successeur.

De Radin, il fut appelé à être Roch Yechivah dans la ville de Brisk. Il était heureux de l’occasion de se trouver dans l’ombre de Rabbi ‘haim de Brisk.

Après la Première guerre mondiale il passa dans la ville de Baranovitz où il fonda une grande Yechivah, qui se développa très bien et eut de nombreux éLeves. Il les aimait beaucoup et leur était dévoué comme un père à ses fils. Rabbi El’hanan ne voulait pas être Rav, et choisit d’être Roch Yechivah et de vivre dans la pauvreté. Après la mort de son beau-père, la grande ville de Shabli l’invita à le remplacer. Sa femme la rabbanit voyait dans cette proposition une issue à la terrible pauvreté qui régnait à la maison, mais lui, fidèle à la ligne qu’il s’était toujours tracée depuis sa jeunesse, refusa absolument d’être Rav. Sa femme décida alors d’aller à Radin demander l’avis du ‘Hafets ‘haim. Quand le cocher arriva, la rabbanit vit que son mari se tenait dans un coin en pleurant, car il craignait que son maître ne lui ordonne d’accepter ce poste. En voyant l’ampleur de ce chagrin, elle changea d’avis et ne se rendit pas à Radin.

Au bout de peu de temps, Rabbi El’hanan devint le dirigeant du judaïsme orthodoxe. Son avis était accepté comme étant celui de la Torah. Il écrivait des articles en yiddish et en Hebreu sur divers sujets, et tout article signé par lui faisait grande impression. Même quand il était en Amérique, il publia une brochure, Ikveta DiMechikha (« Les signes précurseurs du Machia’h »), où il appelle les juifs à revenir à Dieu. Il était accepté par toutes les tendances, ‘hassidim, mitnagdim, habitants de Lituanie et de Pologne, judaïsme oriental et occidental. Tout le monde lui obéissait, par le mérite de sa Torah et de sa grande intégrité.

Quand éclata la Deuxième guerre mondiale, Rabbi El’hanan s’enfuit à Vilna avec sa Yechivah. Un jour avant l’entrée des Allemands à Vilna, il partit en visite à Slobodka, près de Kovno, pensant revenir à Vilna où il s’était installé. Mais tout à coup les Allemands s’emparèrent de la Lituanie et il fut obligé de rester à Slobodka.

Le 11 Tamouz 5701 (1941), les nazis attaquèrent tout à coup les juifs de Slobodka et les exécutèrent.

Avant d’être tué, il s’adressa à ses amis les rabbanim et à tous les juifs. Il parlait doucement, avec le même calme intérieur qu’à l’accoutumée. Voici ses dernières paroles :

« Au Ciel on nous considère apparemment comme des tsadikim, car nous avons été choisis comme expiation pour le klal Israël dans notre corps. C’est pourquoi nous devons revenir à Dieu totalement et immédiatement. Le temps presse, le chemin de la Neuvième Forteresse (endroit du massacre des martyrs de Slobodka-Kovno) est proche. Nous devons savoir que notre sacrifice s’éLevera plus facilement grace au repentir, et que par là nous sauverons la vie de nos frères et de nos sœurs en Amérique. Nous accomplissons à présent la plus grande des mitsvot ! « Tu l’as détruite par le feu, tu la reconstruiras par le feu ». Le feu qui dévore nos cadavres est le feu qui reconstruira la maison d’Israël. » Dans un cri de « Chema Israël », son ame monta aux Cieux.

Rabbi El’hanan a laissé beaucoup de livres, comme Kovets He’arot sur le traité Yebamot, Ohel Torah en trois volumes, et d’autres.

Oui, le monde de Rabbi El’hanan fut détruit, mais les lettres de son ame pure se sont envolées et sont venues jusqu’à nous en Amérique. Ses livres se trouvent sur les bancs de toutes les Yechivot, et les éLeves étudient la grande Torah qu’il a écrite en sainteté et en pureté. Que Dieu venge le sang versé de Ses serviteurs.